PSYCAUSE国際学会(京都)の詳報―Webマガジンより―

2014/11/21

psycauseottawa
Le site Psycause.info : http://www.psycause.info

 

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 PSYCAUSE国際学会(京都)の開催ニュースは、学会後すぐにPSYCAUSEのホームページに掲載されましたので、それを先に本欄に転載しました。引き続き学会組織内部のWebマガジン10月号(第1章)に、10月19日から21日までの国際学会の経過と各発表の内容が、程よくまとめられて掲載されました。そこで、その第1章の部分のみをここに転載します。
なお機関雑誌PSYCAUSEの2015年第2号は、日本特集号になることが決まり、今回の学会における全発表は論文化の上で、その号に掲載される予定です。

 

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Lettre d’information N°11, octobre 2014

Cette lettre est destinée aux membres du réseau de la revue Psy Cause et de Psy Cause International (rédacteurs, correspondants, membres associatifs). Elle  vient en complément des comptes rendus de réunions et des articles d’actualité publiés sur le site.

Cette lettre d’information couvre principalement notre congrès de Kyoto.

 

1- Congrès de Kyoto (19 au 21 octobre 2014) : 42 congressistes venus de France et du Canada ont été rejoints par 40 congressistes japonais. Un compte rendu détaillé de ces trois jours ainsi que des journées de découverte du pays sont à lire sur le site de Psy Cause sous la forme de 8 carnets à : http://www.psycause.info .

 

Nous en reproduisons dans cette lettre, l’ouverture du 19 octobre 2014 à retrouver sur le site (carnet N°3) :

 

« La première journée du congrès se déroule au huitième étage du Karasuma Convention Hall de Kyoto. Après le mot de bienvenue du Dr Jean Paul Bossuat, Président français du congrès, sur le thème de la rencontre, le Pr Shigeyoshi Okamoto, Président japonais du congrès, prononce le discours d’ouverture :

 

« En tant que responsable de l’organisation, du côté japonais, je voudrais d’abord souhaiter la bienvenue à Kyoto au congrès de Psy Cause, à tous les ressortissants de pays francophones ici présents. Je voudrais aussi les remercier d’être venus de si loin jusqu’ici. Ma gratitude va aussi aux Japonais qui participent avec assiduité, bien qu’il s’agisse d’un colloque en langue étrangère.

 

Quant à moi, Shigeyoshi Okamoto, cela fait une dizaine d’années que j’ai des échanges avec ce mouvement. Notamment, j’avais eu l’honneur d’être invité à faire une conférence sur « La thérapie de Morita et le bouddhisme » au congrès qui s’est tenu au Cambodge en 2012. Mais mon état de santé s’étant aggravé, je n’ai malheureusement pas pu être présent en personne, dérangeant ainsi grandement les membres de Psy Cause. Je voudrais donc saisir l’occasion qui m’est donnée ici pour leur renouveler toutes mes excuses.

 

Cette année, deux ans ayant passé, j’ai dû accepter la tenue de ce congrès, pour me faire pardonner. À vrai dire, avec le Professeur Seko qui fera la première communication aujourd’hui, nous avions pensé qu’il ne serait pas impossible d’organiser en 2015 à Kyoto, sinon un congrès, du moins une réunion de recherche internationale plus informelle. Mais Psy Cause ayant déjà décidé de son côté de tenir ce congrès, j’ai dû assumer seul la responsabilité d’accepter. En conséquence, il m’a fallu en assurer la préparation, sans aucune aide. C’est la raison pour laquelle je vous demanderai de vous montrer indulgents pour les problèmes qui pourraient survenir.

 

Je dois par ailleurs ajouter que l’Hôpital Sansei, qui est l’hôpital le plus traditionnel pour la Thérapie de Morita, fermera ses portes à la fin de cette année. La décision a été prise à la fin de septembre. L’histoire de la Thérapie de Morita évolue depuis le passé jusqu’à présent et du présent vers l’avenir. En voyant les dernières images de l’Hôpital Sansei en activité et en réfléchissant ensemble à la signification historique de cet hôpital, je voudrais que ce congrès soit mémorable.

 

À la place du film qui avait été prévu au programme, on vous montrera donc un documentaire de l’Hôpital Sansei. On vous annonce ainsi qu’une partie des objectifs de ce congrès a changé, du fait des circonstances. Tout en vous demandant de vous montrer compréhensifs à ce sujet, je vous remercie de votre attention. »

 

Les deux vice présidentes, les Drs Patricia Princet et Catherine Lesourd, prennent ensuite la parole, situant ce congrès dans la dynamique et l’historique de Psy Cause, revue et association internationales, en particulier la continuité des trois congrès internationaux de Psy Cause : Siem Reap au Cambodge (2012), Ottawa au Canada (2013) et Kyoto (2014). Le Dr Jean Paul Bossuat clôt cette séquence introductive au congrès, par un hommage au Pr Ka Sunbaunat, Président de notre congrès au Cambodge, auquel vient d’être décerné en septembre à Madrid à l’occasion du congrès mondial de psychiatrie, le prix de Genève pour les droits de l’Homme en Psychiatrie.

 

Les communications peuvent alors commencer devant un public nombreux, avec la parité entre les congressistes français et canadiens d’une part, et les congressistes japonais d’autre part, d’environ 80 personnes. La présence d’une interprète professionnelle crée les conditions d’échanges fructueux entre les participants. Il convient de noter que les communicants japonais de la première journée, ont présenté leur travail en langue française, témoignant de la pertinence d’un congrès francophone au Japon, et du rayonnement de la psychiatrie voire de la psychanalyse françaises en Extrême Orient. »

 

Le Professeur Kei Seko, neurologue et Directeur de l’Hôpital Tango-Furusato (hôpital général au nord de la Préfecture de Kyoto) ouvre les travaux avec sa communication intitulée : « La Vie d’ ARUGAMAMA : la philosophie vitaliste dans la thérapie de Morita ». Il introduit son propos par un tour d’horizon des psychothérapies. La dernière partie de l’exposé du Pr Kei Seko est centrée sur l’application clinique du bouddhisme Zen dans la thérapie de Morita. Il rappelle que la névrose au Japon est une réalité ancienne, citant le propos d’un aristocrate du VIII° siècle (Otomo-no Yakamochi) : « Un jour de beau temps au ciel serein, l’alouette monte, et je suis triste quand je me plonge moi-même dans mes réflexions ». Le Directeur de l’hôpital Sansei, le Dr Shinichi Usa, affirme : « Abandonnez l’introspection et concentrez-vous sur les choses réelles, travaillez pour les autres. » Le Pr Kei Seko achève son exposé par cette citation Dôgen : « Apprendre le bouddhisme, c’est s’apprendre soi-même. S’apprendre soi-même, c’est s’oublier soi-même ».

 

La seconde communication est celle d’une femme japonaise, la Docteure Eri Muso, néphrologue et chef du département de la néphrologie de l’Hôpital Kitano à Osaka: «  L’Identité de la Femme Médecin dans la société japonaise ». Cette intervenante est une ancienne chef du comité de l’égalité des sexes de la société japonaise de néphrologie. Au Japon, dit-elle, le nombre de médecins femmes augmente peu à peu. « En 2013, 18% des médecins étaient des femmes et, surtout, 33% des étudiants diplômés d’une université médicale sont des femmes. Au Japon, malheureusement, beaucoup de femmes quittent leur profession après avoir eu un bébé et ne reviennent jamais à leur position précédente. » La cause du problème de l’abandon de l’activité professionnelle est « non seulement dans l’insuffisance du soutien de la société pour élever les enfants en bas âge, mais aussi dans la mentalité sociale, féodale, la responsabilité d’élever les enfants incombant à la femme, et non à l’homme. »

 

Le Docteur Jean Louis Griguer, psychiatre chef de pôle à Valence, Docteur en philosophie, rédacteur de Psy Cause, communique sur le thème : « Approche phénoménologique de la rencontre ». La question de la rencontre, nous dit-il, est la question centrale de la phénoménologie qui est la pensée de ce qui nous apparaît dans notre expérience commune. « L’expérience est expérience des autres ». Il conclut son propos par ces mots : « La rencontre de l’autre est toujours le commencement d’une aventure avec cette ambiguïté inhérente à toute rencontre. Rencontrer, c’est peut-être se trouver en présence d’un autre auquel ma parole s’adresse et d’une altérité qui m’interpelle, se tourne vers moi, m’implique. »

 

La Docteure Sinziana Véronica Loiso, psychiatre au CHS Fains Veel, rédactrice de la revue Psy Cause,  communique sur le thème : « Manga, images dérisoires qui prennent un contour réel dans un style de vie ». Elle introduit son exposé par la dimension culturelle du phénomène Manga. La Dre Sinziana Véronica Loiso parle de « style de vie » à propos du phénomène Manga : se développent des magasins tenus par des professionnels, les « Manga zone ». Le phénomène Manga a pris de grandes proportions ; il y a des fans pour différents styles qui ont ouvert des blogs sur internet. Souvent, les héros de Manga, pour les fans, deviennent un alter-ego qui aide à surmonter les épreuves difficiles dans leur vie. En seconde partie, elle nous expose un cas clinique à propos duquel le projet médico-social mis en œuvre comporte une prise en charge en hôpital de jour avec un appartement thérapeutique et une mise sous tutelle. Le travail psychothérapique a consisté à développer une passion pour le dessin et l’écriture avec un atelier de création (BD et écriture). Un éditeur s’intéresse à un roman qu’il est en train d’écrire, et une exposition avec ses dessins et ses BD sera organisée pour le mois de novembre. La Dre Sinziana Véronica Loiso nous présente des dessins réalisés par ce jeune patient dans le cadre de l’atelier de création et qui s’intègrent dans des mangas réalisés par lui en présence de ses thérapeutes. Cette expérience thérapeutique a beaucoup intéressé les congressistes japonais et suscité de nombreux échanges.

 

La matinée s’achève sur cette application thérapeutique en France d’un phénomène culturel japonais. Le repas de midi est pris sur place sous la forme du traditionnel « Bento ».  Le récit détaillé de l’après midi est à lire sur le site dans le carnet N°4. Nous en donnons ici un condensé.

 

La première partie de l’après midi est consacrée à la projection d’un film documentaire sur l’Hôpital Sansei en présence du réalisateur, Mr No Nanoka venu de Tokyo. Ce film en japonais sous titré en anglais et traduit par notre interprète, est intitulé : « Morita Therapy to live ». Il est introduit par le Pr Shigeyoshi Okamoto qui nous brosse le panorama de la Thérapie de Morita au Japon aujourd’hui : 300 médecins pratiquent la Thérapie de Morita au Japon. Peu réfèrent leurs soins à la philosophie du Zen. Les autres ont pris de la distance avec cette philosophie qui est à la base de cette thérapie et ne savent pas ce qui est pratiqué à l’hôpital Sansei qui est un élément attesté dans l’historique de cette thérapie. Le film fait découvrir un lieu de pratique de la Thérapie de Morita qui demeure un mystère pour un certain nombre de praticiens de cette dernière. Le scénario du film est construit sur l’hospitalisation à Sansei d’un garçon qui a une phobie d’autrui. Après plus de deux heures de projection captivantes, nous dialoguons avec le réalisateur. Ce film met en évidence une thérapie qui permet un lâcher prise de la jouissance sans changer la problématique névrotique sous-jascente qui est mise à distance, en moins de trois semaines. Le patient, libéré d’une pathologie invalidante, peut ensuite valoriser pleinement son talent artistique.

 

Après une courte pause, nous avons deux communications qui toutes les deux concernent l’enfance et l’adolescence, sous deux regards culturels différents : canadien puis japonais. Le premier intervenant est le Dr André Gagnon, pédopsychiatre à l’Hôpital Pierre Janet à Gatineau (au Québec au nord d’Ottawa). Sa communication est intitulée : « Formation et confusion de l’identité culturelle et spirituelle ». Le Dr André Gagnon commence par s’appliquer à lui même le thème de son exposé, nous présentant son origine, ses études et sa famille. Il poursuit sur une mise en cause des schémas simplistes de l’identité en termes d’évolution ou d’arbre généalogique. Il parcourt les différentes définitions du mot identité puis s’arrête un moment sur l’identité dans le développement de soi. Puis sur les enjeux transgénérationnels, l’articulation famille, culture et société.

 

Le second intervenant est le Dr Kiyoshi Shiraishi qui est un psychologue japonais lacanien, Chef du Centre des Soins des Enfants dans l’Hopital Psychiatrique Nozoe à Fukukoa dans l’ile Kyushu. Il communique sur le thème : «  Les pathologies et les soins des enfants et des adolescents au Japon, du point de vue psychanalytique – Approche psychothérapique et préventive pour le développement de l’enfant du couple schizophrénique » Il nous annonce qu’il va essayer de nous présenter en première partie, ce qui se passe actuellement chez les enfants et les adolescents au Japon. Les problèmes actuellement rencontrés par le psy des enfants et des adolescents du Japon, nous dit-il, nous conduisent à évoquer obligatoirement un drame tragique à la fin des années 1980 : un père assassinait son fils qui dormait, à l’aide d’une batte de base ball. Le père vivait à ce moment là un enfer dans sa vie quotidienne, à cause de son fils enfermé qui présentait des actes violents au domicile notamment envers sa mère. Dans les années 1990, se pratiquait  l’IJIME qui consistait à agresser un (ou une) élève sélectionné à l’école. Ainsi, il y eut beaucoup de victimes tuées ou qui se sont suicidées. Ce phénomène de violences dans l’école existe encore aujourd’hui et devient un véritable problème social. Dans le même temps, il y a des négligences et des maltraitances nourricières, des meurtres de bébés et de petits enfants par les parents. Un autre phénomène est le HIKIKOMORI qui consiste à refuser l’école et à s’enfermer volontairement au domicile sans avoir des contacts socio-familiaux, tout en commettant parfois des actes de violence volontaire envers des membres de la famille. Il poursuit sur l’évolution sociétale sous les coups de l’environnement médiatique et de la crise économique. Le Dr Kiyoshi Shiraishi conclut la première partie de son exposé par ce constat : « le Japon actuel pour les enfants est ce que je viens de vous présenter et les enfants japonais sont vraiment fatigués. » La seconde partie de l’exposé est un cas clinique qui nous illustre, entre autre, comment, dans l’hôpital psychiatrique Nozoe installé à Fukukoa, le Dr Kiyoshi Shiraishi a promu la psychanalyse d’inspiration française (lacanienne) comme outil de référence dans la prise en charge des enfants et des adolescents. Sa communication s’inscrit donc pleinement dans la démarche francophone internationale de Psy Cause. Il acceptera d’ailleurs, le surlendemain, d’entrer dans le comité de rédaction francophone de la revue Psy Cause. Il nous expose dans  sa communication, la prise en charge psychanalytique d’un enfant de parents perturbés par la psychose, présentant des symptômes de violence, en maniant les concepts lacaniens et en situant la dynamique thérapeutique dans un travail sur le père imaginaire et le père symbolique.

 

Le compte rendu de la matinée du 20 octobre, dont nous donnons ci-après un résumé, est à lire sur le site dans le carnet N°5.

 

Cette seconde matinée est intégralement managée par le Pr Shigeyoshi Okamoto. Elle se déroule à l’Hôtel Ana Crowne Plaza de Kyoto. Le Pr Shigeyoshi Okamoto ouvre les travaux avec une communication intitulée : « La Thérapie de Morita et le Zen, communication pour la visite de l’Hôpital Sansei » :

 

« À propos du Zen, après ma communication, Maître Nishimura fera une conférence spéciale. Comme j’ai du m’occuper de ce congrès, je n’ai pas pu consacrer suffisamment de temps à la préparation de ma communication. En outre, la fermeture en décembre de cette année de l’Hôpital Sansei a été décidée comme un baisser de rideau sur une longue histoire de 92 ans. Cela étant, dans la première partie de ma communication, je vais exposer sommairement les relations entre le Zen et la thérapie de Morita. Et dans la seconde partie, je parlerai de l’histoire de l’Hôpital Sansei. Cette communication reprenant pour partie le contenu de l’article que j’ai publié l’année dernière dans Psy Cause, je vous invite donc à le relire. » Le Pr Shigeyoshi parle donc d’abord de l’essence du zen dont l’objectif est d’accepter les douleurs et de vivre avec les autres.

 

Il en vient à la thérapie de Morita qui a pour point de départ une forme d’hospitalisation caractéristique : « Morita a accueilli des patients dans sa maison comme des membres de sa famille, et a mené la vie commune avec eux. Dans cette thérapie, le rôle paternel de Morita, thérapeute, a été très important. Mais le rôle maternel tenu par sa femme a également été indispensable. De même, la fraternité entre patients dans la vie en groupe, leur a permis de développer leur sociabilité.

 

L’hospitalisation consiste en quatre étapes :

– la première étape est celle du coucher absolu,

– la deuxième étape est celle de l’observation du monde extérieur,

– la troisième étape est celle du travail,

– la quatrième étape est celle de la vie sociale compliquée.

Les patients suivent chaque étape dans l’ordre. Ils gardent d’abord le lit sans rien faire au cours de la première étape. Ce faisant, ils font exclusivement face à leur moi et par cette expérience, ils se libèrent de l’esclavage de l’ego et restaurent le soi pur. Prenant un nouveau départ avec cette expérience de renaissance de soi, et passant par les différentes étapes, ils accroissent leur humanité.

 

Comme Morita était médecin, il lui incombait dans l’immédiat de guérir les symptômes de ses patients névrosés. Mais chez l’homme, l’inquiétude et le sentiment de sérénité étant comme les deux faces d’une même médaille, le désir d’éliminer la seule inquiétude d’un névrosé est impossible à réaliser et on reste dans un palais des illusions. Un traitement véritable doit extirper ce genre d’illusions. Morita a enseigné que la guérison n’était rien d’autre que de vivre jusqu’au bout avec les douleurs. Dans ce sens, il a assimilé la guérison à l’éveil. »

 

Le Pr Shigeyoshi Okamoto en arrive dans son exposé à l’Hôpital Sansei qui est une application fidèle au zen, de la thérapie de Morita : « il y a un hôpital qui a une inspiration zen plus poussée que la thérapie effectuée par Morita. C’est l’Hôpital Sansei qui se situe à Kyoto. Le Dr Genn-yu Usa, bonze et psychiatre, était un disciple direct de Morita. En 1922, il a fondé la clinique Sansei qui est à l’origine de l’hôpital, dans l’enceinte même du temple de Tôfukuji et il y a commencé le traitement par hospitalisation de la Thérapie de Morita. Cinq ans plus tard, en 1927, cette clinique est devenue officiellement un hôpital. Ainsi, le Dr Genn-yu Usa qui en a été le premier directeur, a traité les névrosés par l’hospitalisation dans cet établissement et y a fidèlement appliqué la thérapie de Morita, son maître. Morita est mort en 1938 mais l’Hôpital Sansei qui a hérité de la Thérapie de Morita, a continué à jouer un rôle historique important en tant qu’établissement représentatif de cette thérapie, dans notre pays. Quand, en 1957, le premier directeur, Genn-yu Usa, est décédé, c’est son fils, le Dr Shin-ichi Usa qui est devenu le deuxième directeur. Et jusqu’à aujourd’hui, il a conservé la thérapie qui garde la pensée et la méthode zen mise au point par son père qui était tout à la fois bonze zen et fidèle partisan de la Thérapie de Morita. Le deuxième directeur aura bientôt 88 ans et il a décidé tout dernièrement de cesser les consultations à la fin de décembre. Comme il fallait annoncer la fermeture aux patients, un avis a été affiché à la porte de l’hôpital mais elle n’a pas encore été annoncée officiellement à l’extérieur. Mais cette fois, vous qui assistez au Congrès de Psy Cause, vous aurez pu prendre part au mouvement de l’histoire en venant à Kyoto au moment important où le flambeau de la Thérapie de Morita traditionnelle est sur le point de s’éteindre. Ce n’est pas à moi d’annoncer officiellement la fermeture de l’hôpital mais comme le hasard a voulu que ce congrès se tienne juste avant la fermeture de l’hôpital, vous en serez peut-être les derniers visiteurs étrangers. C’est en pensant à cela que je vous ai révélé à dessein la fermeture de l’hôpital. Les Japonais ici présents comprendront que je leur donne les dernières nouvelles de l’Hôpital Sansei dans le cadre de ce Congrès de Psy Cause. »

 

Le Pr Shigeyoshi Okamoto aborde alors sa seconde communication, à savoir la présentation du maître Zen Eshin Nishimura : « J’aimerais maintenant vous présenter Maître Eshin Nishimura qui va faire une conférence spéciale sur le Zen. Ce que je voudrais dire pour commencer, c’est « Ecce Homo ! » Il s’agit du titre de l’autobiographie de Nietzsche et ça signifie « Regardez cet homme ». L’origine de cette expression latine dont le sens semble complexe, se trouve dans le Nouveau Testament. Mais sans trop me soucier de son origine, c’est tout simplement dans le sens de « Regardez cet homme », que je voudrais citer cette expression. Regardez cet homme en chair et en os, regardez son visage, écoutez directement sa voix. Cette présentation maladroite est peut-être inutile mais je la fais quand même pour vous présenter le parcours de Maître Nishimura. » La suite de cette présentation du maître zen est à lire sur le site.

 

Après une courte pause, arrive le maître pour une conférence de 90 minutes suivie de 30 minutes pour les questions. Question : quelle restitution faire dans ce compte rendu ? Nous avons un enregistrement réalisé par la Dr Patricia Princet mais nous allons prendre le temps nécessaire de la réflexion sur ce qu’il y a lieu de faire. Dans l’immédiat de ce carnet, contentons nous de dire que le Maître Nishimura a communiqué sur le thème : « Qu’est-ce le Zen et pourquoi le Zen ? ». Nous avons regardé sa présence, sa gestuelle, entendu ses paroles en anglais, les comprenant parfois, avec le sentiment d’une rencontre d’exception. La langue anglaise étant la langue de référence du maître, le Dr André Gagnon qui est parfaitement bilingue a accepté le rôle d’interprète dans l’échange des questions/réponses entre les congressistes et le maître, ce qui a permis a posteriori pour celles et ceux qui maitrisent mal l’anglais, d’accéder à la pensée Zen du maître.

 

L’application concrète de cette matinée du 20 octobre s ‘est déroulée le lendemain avec la visite de l’Hôpital Sansei à lire sur le site dans le carnet N°6. À lire également dans le carnet N°7, la soirée de gala du 20 octobre, soirée au cours de laquelle nous avons fêté les 19 ans de Psy Cause et mis à l’honneur toutes celles et ceux, présents à Kyoto, qui ont contribué de façon déterminante au succès de la nouvelle dynamique de Psy Cause initiée depuis deux ans.

 

国際PSYCAUSE学会(京都)の開催報告―フランス語版の転載―(付)10月22日:懇親会―

2014/11/10

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Journal du congrès de Kyoto : carnet N°7. Soirée d’anniversaire du 21 octobre 2014

 

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01-Chateau-Nijo-15.10.14Comme précédemment lors du congrès Psy Cause à Ottawa il y a une année, nous fêtons l’anniversaire de Psy Cause le soir du 21 octobre 2014 à Kyoto. Le Président a tenu à ce que cette fête soit tout particulièrement dédiée à celles et ceux qui se sont personnellement les plus investis dans la nouvelle dynamique de Psy Cause depuis les difficultés de l’hiver 2012/2013. Cette soirée de gala du congrès Psy Cause de Kyoto se déroule dans un restaurant situé à dix minutes de marche de l’hôtel des congressistes, face au Château Nijo, ancienne résidence du Shogun, et dans l’un des seuls jardins légendaires qui subsistent du premier Palais Impérial de Kyoto (fondé en 794). Le repas consiste en un dîner de shabu-shabu suivis du traditionnel gâteau avec 19 bougies puisque Psy Cause a 19 ans.

 

02-wadaiko-Sur une idée de la Dr Catherine Lesourd appuyée par la Dr Patricia Princet, la cérémonie débute par un spectacle de tambours, de percussions traditionnelles japonaises autant musicales que visuelles « wadaïko ». Cet art est en lien avec les arts martiaux et donc avec l’annonce de la guerre. La gestuelle est très importante dans le « wadaïko » avec une recherche du geste pur inspirée des arts martiaux, inspiration que l’on retrouve également dans la cérémonie du thé. L’art militaire fut au Japon une référence première qui s’est déclinée dans de nombreux domaines, la société des samouraï ayant dominé le pays pendant de nombreux siècles. La soirée anniversaire de Psy Cause a donc débuté par le roulement guerrier des tambours.

 

03-Son-paixLe maître zen qui était intervenu au second jour de notre congrès, le Maître Eshin Nishimura, s’est fait représenter à notre soirée de gala par l’un de ses disciples qui s’est proposé de jouer d’un instrument traditionnel japonais, une sorte de conque, après les tambours. Il nous en explique la symbolique : après l’appel à la guerre du « wadaïko » qui résonne de loin en loin, survient la musique de son instrument qui transmet la voix de Bouddha, appel à la paix et à la réconciliation. Quelle belle symbolique pour ce repas anniversaire de Psy Cause ! Le Pr Shigeyoshi Okamoto, présent lui aussi dans cette soirée anniversaire, a suivi depuis des années l’évolution de Psy Cause en tant que rédacteur japonais de la revue. Il n’est peut être pas étranger à ce message d’harmonie pour que réussisse Psy Cause dans sa mission internationale, laquelle est importante pour nos interlocuteurs japonais.

 

04-AppelC’est alors que le Président, le Dr Jean Paul Bossuat, appelle toutes celles et tous ceux qui sont venus au congrès de Kyoto et qui ont fait avancer Psy Cause de façon décisive ces deux dernières années.

 

05-Pahin-canada-4.10.13

Il appelle en premier Mme Marie José Pahin que l’on peut considérer comme une contributrice à la fondation de Psy Cause, il y a 19 ans, puisqu’elle écrivait dans le N°1 de la revue Psy Cause et rejoignait notre équipe dès la première année. À l’époque, psychologue clinicienne à l’Hôpital Édouard Toulouse et psychanalyste à Marseille, elle enseignait les concepts de la psychanalyse à des infirmiers d’une structure de soins du service du Dr Jean Paul Bossuat pour leur permettre de mieux se repérer dans la prise en charge des patients. Sa fidélité à Psy Cause ne s’est jamais démentie et elle a pris à cœur sa fonction de co-rédactrice en chef, sollicitant par exemple le Dr Bernard Hubert, psychiatre et psychanalyste à Marseille, dont le passionnant article sur le meurtre commis par Althusser vient d’être publié dans le N°65. Membre du conseil d’administration, elle a été très impliquée dans la nouvelle dynamique de l’association en 2013.

 

06-Rochegude-Griguer-29.3.14

Le président appelle en second le Dr Jean Louis Griguer. Psychiatre chef de pôle à Valence, Docteur en philosophie, il a joué un rôle déterminant dans l’activité scientifique actuelle de Psy Cause en France en promouvant tout au long de l’année 2013 l’idée d’un colloque clinique dans le cadre convivial du Château de Rochegude, sur les États limites, qu’il managera le 29 mars 2014. Le succès de cette formule l’amène à la renouveler le 11 avril 2015 avec un colloque Rochegude II qui aura pour thème : Les troubles bipolaires. Il souhaite que ce Château de Rochegude devienne, en France, un lieu de rassemblement annuel des membres du réseau Psy Cause autour d’une réflexion commune sur la clinique. Il expliquera le lendemain lors de la réunion associative ouverte Psy Cause, que, pour porter une parole dans d’autres pays, il est important d’avoir une activité scientifique de qualité en France.

07-Seminaire-Pessiot-6.7.13Le président appelle ensuite Mme Marie Christine Pessiot. Spécialiste du conseil en entreprise, elle n’est pas une professionnelle de la psy. Mais passionnée par la psy, elle est venue à notre congrès au Cambodge et, dès janvier 2013, elle s’engage pour aider Psy Cause dans son nouveau cap. Elle entre au conseil d’administration et apporte son expertise en organisant des séminaires stratégiques : le premier en juillet 2013 à Avignon, le second en septembre 2013 à l’Estaque (Marseille). Elle demeure disponible pour nous aider à adapter notre fonctionnement à l’évolution de l’association et de la revue, laquelle est très rapide.

 

Après avoir appelé ces trois membres importants de Psy Cause, à ses côtés dès janvier 2013 pour que Psy Cause réussisse, le président appelle les deux organisatrices françaises du congrès de Kyoto qui nous rassemble en cette soirée anniversaire de gala, les Drs Patricia Princet et Catherine Lesourd. Il a souhaité appeler également le Pr Shigeyoshi Okamoto, organisateur japonais du congrès, mais ce dernier, à cause d’un problème de santé, a été dans l’obligation de discrètement quitter la table dans cette soirée à une heure tardive.

08-PrincetLa Dr Patricia Princet, psychiatre chef de service et Présidente de la CME à l’Hôpital de Fains Veel, a manifesté en avril 2013 sa disponibilité pour un engagement personnel dans Psy Cause. Cet engagement s’est concrétisé au congrès d’Ottawa en octobre 2013 où elle faisait une communication. Elle partageait avec la Dr Catherine Lesourd également présente, un grand intérêt pour la culture japonaise. Toutes les deux avaient regretté l’absence du Pr Shigeyoshi Okamoto à Siem Reap en novembre 2012 et pensaient que nous pourrions organiser une manifestation scientifique en particulier autour de la Thérapie de Morita. La Dr Catherine Lesourd, pédopsychiatre dans l’îlede la Martinique, était allée au début de l’été 2013 à Kyoto pour rencontrer le Pr Shigeyoshi Okamoto et visiter l’Hôpital Sansei. L’idée d’un congrès au Japon en 2014 fut plébiscitée par les congressistes avant d’être validée par l’association. Ainsi missionnées, les deux collègues, malgré des lieux d’exercice professionnels séparés par des milliers de kilomètres (c’est cela aussi Psy Cause), ont effectué toutes les deux un repérage en mars 2014 au Japon, qui a permis de monter l’organisation de ce congrès pour Psy Cause. Ce montage a été effectué en lien permanent avec le président et le conseil d’administration, et son déroulement, en ce mois d’octobre au Japon, se doit d’expliciter un travail en équipe exemplaire, gage de la réussite des congrès futurs. Le dernier repas pris en commun à Nara le 24 octobre avant l’extension de Tokyo, et dont nous reparlerons dans un prochain carnet, a été placé sous le signe de l’harmonie et a permis à toute l’équipe organisatrice française de se rassembler une dernière fois en présence des congressistes.

 

09-rencontreDirecteur

10-PaolettiLe président appelle le Dr Jean Dominique Paoletti qui a été très présent aux côtés de Psy Cause en cette année 2014. Il s’est fait à Marseille l’avocat du congrès de Kyoto auprès de ses collègues et a convaincu une très importante délégation de congressistes de se joindre à nous. Au cours de ces journées au Japon, il apporte sa note personnelle à l’ambiance et participe par son humour et sa disponibilité auprès de tous, à une dynamique de groupe réussie. Membre de l’association, il sera pleinement associé à nos futurs projets, ce qui sera le cas lors de la réunion associative ouverte du lendemain.

 

Bien évidemment, nous exprimons dans ce compte rendu une pensée pour les personnalités de Psy Cause qui avaient manifesté leur désir de venir à Kyoto mais n’en n’ont pas eu la possibilité. Ainsi, le Dr Thierry Lavergne, second personnage de Psy Cause en tant que vice président de l’association et directeur adjoint de la revue, est allé à la demande de l’association, représenter la direction de Psy Cause à Tunis au congrès tunisien unitaire de psychiatrie qui, pour la première fois, rassemblait la totalité des associations scientifiques tunisiennes de psychiatrie. Psy Cause avait été sollicitée pour ce rassemblement qui s’inscrit dans le contexte de la nouvelle Tunisie post-révolutionnaire. Ce congrès, auquel la présence est incontournable pour une revue francophone internationale comme la nôtre, se déroule en même temps que le congrès de Kyoto.

 

Par ailleurs le Pr François Borgeat, de Montréal, a été empêché par un problème de santé prolongé de sa conjointe Carmen qui avait communiqué avec lui au congrès Psy Cause d’Ottawa dont il avait présidé le comité scientifique. Il nous a fait connaître son engagement dans le projet d’un groupe Psy Cause au Canada avec un siège social à l’Institut Universitaire en Santé Mentale de Montréal. Tous nos vœux de guérison lui sont adressés ainsi qu’à sa conjointe.

 

Enfin, le Pr Raymond Tempier, d’Ottawa, évoqué dans la communication d’ouverture en hommage au Pr Ka Sunbaunat, était mobilisé en septembre peu de temps avant le congrès de Kyoto, par la remise solennelle du prix de Genève pour les droits de l’homme en psychiatrie au Pr Ka Sunbaunat lors du congrès mondial de psychiatrie à Madrid.

 

Le président appelle alors sa femme sans l’engagement et les connaissances de laquelle, le congrès au Cambodge n’aurait pu avoir lieu, congrès qui fut pour Psy Cause le point de départ d’une rencontre avec la civilisation de l’Extrême Orient.

 

11-GateauLe moment est alors venu de souffler les 19 bougies du gâteau d’anniversaire de Psy Cause par le président et l’ensemble des personnes appelées. La soirée se termine par une ambiance très festive avec des déguisements traditionnels japonais.

 

Jean Paul Bossuat

国際PSYCAUSE学会(京都)の開催報告―フランス語版の転載―(4)10月21日:三聖病院訪問―

2014/11/10

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Journal du congrès de Kyoto : carnet N°6. Hôpital Sansei et Zen, 21 octobre 2014

 

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Cette troisième journée de congrès comprend en journée deux parties : la visite de l’Hôpital Sansei, une séance de méditation dans un temple zen. Le groupe des congressistes s’est divisé en deux pour ces deux parties de la journée qui se sont donc déroulées en alternance. Le rédacteur de ce compte rendu est le matin à l’Hôpital Sansei et l’après midi en séance de méditation.

La visite de l’Hôpital Sansei

 

01-Hopital-Sansei-21.10.14Le Pr Shigeyoshi Okamoto nous attend devant le portail de l’enceinte de l’Hôpital Sansei. Nous nous rassemblons ensuite dans le jardin devant le monument du directeur fondateur de l’établissement, le Dr Genn-yu Usa (dont la photo a été publiée dans le carnet N°5). Cet hôpital a une histoire presque centenaire et nous savons que les congressistes de Psy Cause en seront très probablement les derniers visiteurs étrangers. Le Pr Shigeyoshi Okamoto nous convie dans un premier temps à effectuer un tour extérieur du bâtiment, à arpenter cet espace fortement investi par les patients puisqu’il correspond à la seconde étape de la Thérapie de Morita, celle de l’observation du monde extérieur après la première étape du coucher absolu. Lors de la projection du film Morita Therapy to live, nous avions vu le patient y observer longuement une fleur à l’aide d’une loupe.

 

Le jardin est comme le lieu d’une expérience de renaissance ou, plus exactement selon le Zen, d’un retour à l’union harmonique avec la nature qui avait été perturbée par la maladie psychique. Cet espace relativement exigu en plein cœur de la ville de Kyoto, est savamment aménagé selon le modèle des jardins japonais qui en font une miniature de l’univers, un lieu propice à la méditation au sens zen. Nous reviendrons tout à l’heure sur l’expérience de méditation. Nous rencontrons lors de notre parcours des morceaux de bois, des objets portant chacun une inscription en rapport avec des préceptes de la Thérapie de Morita.

02-congressistes-jardin

Le premier artéfact, montré du doigt par le Pr Shigeyoshi Okamoto, est un bâton gravé de la sentence : « garde à distance ton cœur ». C’est à dire « prend de la distance avec tes peurs, tes émotions, tes souffrances ».

 03-Garde-a-distance-ton-coeur

04-Formless-selfNous stationnons ensuite devant un étang miniature empli de poissons rouges qui, pour l’auteur de ce compte rendu, a une certaine familiarité. Je me souviens d’une visite de l’hôpital de jour psychiatrique « Modra Laguna » de notre rédacteur à Prague, le Dr Jan Cimicky. Dans un angle du petit jardin de cette structure de soins, je découvrais une lagune miniature d’un bleu polynésien qui donnait son nom au lieu. Derrière ce micro-étang, une planche est inscrite : « formless self. Avril 2000 ». C’est à dire que le soi n’a pas de forme fixée, il change sans cesse. La photographie ci-contre nous montre le Pr Shigeyoshi Okamoto au bord de l’étang.

05-Ne-parle-pas-si-tu-veux-guerirLa fin de notre déambulation autour du bâtiment d’hospitalisation, nous fait encore découvrir deux artéfacts sous la forme de bâtons blancs. Le premier commande : « ne parle pas si tu veux guérir ». Cette sentence sera explicitée par une autre inscription que nous trouverons à l’intérieur de l’hôpital qui déclare : « on n’utilise pas la parole pour parler du conscient, on utilise la parole pour parler à d’autres ». Autrement dit, pour guérir, il faut quitter les pièges de son ressenti personnel et ne se situer que dans la socialisation qui est l’étape N°4 de la Thérapie de Morita.

06-EspoirLa fin du parcours est balisée par un ultime artéfact, autre bâton blanc gravé qui nous apporte un dernier message : « espoir ». Sans doute une ponctuation marquant la fin de la deuxième étape de la Thérapie de Morita. Cependant, pour nous, congressistes étrangers présents en ce lieu juste avant le « baisser de rideau » évoqué la veille par le Pr Shigeyoshi Okamoto, germe aussi un espoir : que ce lieu historique de la Thérapie de Morita ne disparaisse pas sous la pelleteuse d’un démolisseur, mais devienne pour le moins un lieu de mémoire et d’étude. En 2011, nous étions en République Tchèque à Pribor à proximité de la maison natale de Sigmund Freud pour notre VII° congrès international et les congressistes ont ensuite effectué un pèlerinage dans l’appartement de travail de l’inventeur de la psychanalyse à Vienne. Nous émettons donc ce vœu et cet espoir que l’Hôpital Sansei survive comme référence historique.

Le temps est venu de pénétrer dans le bâtiment hospitalier. Le directeur, le Dr Shin-ichi Usa, nous attend debout sur le perron, appuyé sur une canne, du haut de ses 88 ans, le visage emprunt de gravité. Nous avons devant nous un homme qui, dans les dix premières années de son enfance, fut un contemporain du Dr Morita. Son père, fondateur de cet établissement conçu pour mettre en pratique les idées du Dr Morita, lui a passé le flambeau à sa mort en 1957. Cet homme en tant que second directeur, a maintenu l’œuvre de son père pendant 57 ans. Il nous invite à visiter l’œuvre de toute une vie et au delà. Une maxime est affichée dans le hall d’entrée : « Seule la réalité est la vérité ».

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08-PassageÉquipés de chaussons, nous pénétrons dans ce lieu de soins à l’architecture sobre et épurée typiquement japonaise mais illustrée d’écrits : « une vie menée régulièrement, c’est que l’on est presque guéri », « l’effort procure le bonheur », « Il convient de vivre en groupe avec la solitude de chacun », par exemple. Ces écrits sont disposés principalement au dessus de passages d’une pièce à une autre, d’une lecture incontournable au quotidien. Cette avancée dans la structure de soins nous permet de ressentir l’ambiance très particulière qui se dégage. Un peu comme la veille avec le maître zen.

 

09-Shin-ichi-Usa-2Notre visite s’achève dans la salle de cours où le Dr Shin-ichi Usa délivre son enseignement aux patients. Nous sommes invités à lui poser des questions. Nous apprenons ainsi que l’Hôpital Sansei traite actuellement 500 patients par an, à partir de l’âge de 13 ans et que l’indication de l’hospitalisation pour les 4 étapes de la Thérapie de Morita est la névrose. Dans le film que nous avions regardé le 19 octobre, le Dr Shin-ichi Usa avait fait observer à son patient qu’il était devenu un « Ninja ». Il nous explique que ce mot qu’il avait utilisé signifie selon lui « un patient patient ».

 

Au nom de Psy Cause, le directeur de la revue lui a remis un exemplaire du numéro 64 sur leCambodge, lequel contient l’article du Pr Shigeyoshi Okamoto qui correspond à une communication au congrès de Siem Reap en 2012. Après la séance, il regarde avec la plus grande attention le contenu de ce numéro qui traite du bouddhisme en psychiatrie et dans les psychothérapies. La visite terminée, le Dr Shin-ichi Usa s’installe de nouveau devant l’entrée pour un dernier salut solennel. Nous quittons l’Hôpital Sansei pleinement conscients de l’importance de ce que nous venons de vivre.

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Méditation dans le temple Shunko-in

 

11-Shunko-inEn complément de cette visite de l’Hôpital Sansei, nous sommes conviés l’après midi à vivre une séance de méditation dans le temple Shunko-in. Ce temple bouddhiste Zen, fondé en 1590, de Kyoto appartient à l’école Myoshin-ji (« temple de l’esprit excellent »), qui est la plus importante des 14 écoles japonaises Rinzai du bouddhisme Zen. Autrement dit un bon endroit pour nous initier à la méditation zen, qui intègre les mêmes références que celles du maître Eshin Nishimura que nous avons regardé et écouté la veille. Un bonze spécialisé dans l’accueil des étrangers nous installe dans un décors traditionnel épuré avec cloche et claquettes pour rythmer la séance.

 

Il nous demande de tenir notre colonne vertébrale bien droite, de respirer en expirant lentement et soit de fermer les yeux, soit de regarder un point fixe du jardin, l’objectif étant de faire le vide intérieur. Les jardins de ce temple sont très étudiés et sont la seule décoration sur laquelle la salle de méditation est largement ouverte. L’expérience est spectaculaire en ce sens que l’absence de parasitage de l’esprit permet d’entendre toutes sortes de sons de la nature. Pas de doute, nous entrons en communion avec la portion d’univers que nous percevons.

 

 13-meditation-2

La séance terminée, le bonze nous explique la séance de méditation. On pouvait s’attendre a des remarques issues du fonds culturel bouddhiste des plus intéressantes. Et là, surprise ! Il nous raconte qu’il est allé étudier la neurologie aux États Unis et nous commente la séance par l’augmentation du CO2 dans le cerveau induite par la technique de respiration, par les connexions qui s’établissent entre le cortex et l’amygdale en passant par le circuit limbique. En concluant qu’un travail de prévention contre l’agressivité pourrait être mis en place par l’usage en santé publique, de cette technique. Là, on peut se dire que l’on est loin de l’Hôpital Sansei. Mais après quelques instants de consternation qu’une telle argumentation soit possible dans un temple, il est possible de percevoir l’essence même du Zen. Rappelons-nous les sentences lues le matin : « garde la distance avec ton cœur », « seule la réalité est la vérité ». Qu’est ce que la réalité ? Ce ne sont pas les pensées mais la chair, les neurones. La sérénité, c’est l’acceptation de l’existence de la réalité. C’est du moins une leçon perçue par le rédacteur de ce compte rendu.

 

Jean Paul Bossuat

国際PSYCAUSE学会(京都)の開催報告―フランス語版の転載―(3)10月20日―

2014/11/10

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Journal du congrès de Kyoto : carnet N°5. Matinée de congrès du 20 octobre 2014

 

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Cette seconde matinée est intégralement managée par le Pr Shigeyoshi Okamoto. Elle se déroule à l’Hôtel Ana Crowne Plaza de Kyoto. Elle est entièrement consacrée à la philosophie Zen inspiratrice de la Thérapie de Morita à l’Hôpital Sansei. Le Pr Shigeyoshi Okamoto ouvre les travaux avec une communication intitulée : « La Thérapie de Morita et le Zen, communication pour la visite de l’Hôpital Sansei » :

 

01-Okamoto« À propos du Zen, après ma communication, Maître Nishimura fera une conférence spéciale. Comme j’ai du m’occuper de ce congrès, je n’ai pas pu consacrer suffisamment de temps à la préparation de ma communication. En outre, la fermeture en décembre de cette année de l’Hôpital Sansei a été décidée comme un baisser de rideau sur une longue histoire de 92 ans. Cela étant, dans la première partie de ma communication, je vais exposer sommairement les relations entre le Zen et la thérapie de Morita. Et dans la seconde partie, je parlerai de l’histoire de l’Hôpital Sansei. Cette communication reprenant pour partie le contenu de l’article que j’ai publié l’année dernière dans Psy Cause, je vous invite donc à le relire.

 

Le mot « Zen » a pour origine le sanscrit « dhyâna » qui a été reproduit oralement en chinois et s’est déformé en « zen’na ». Ensuite, on a supprimé le « na » et c’est devenu « zen ». La signification originelle de « dhyâna » était « pensée profonde ». Mais à quoi pensait-on profondément ? Il s’agissait de s’examiner par introspection. La tâche principale du bouddhisme est de vivre les douleurs. Tous les individus, Orientaux comme Occidentaux, sont seuls et ne peuvent vivre en évitant les douleurs. Par ailleurs, en poursuivant son soi, on aperçoit qu’on ne pourra pas séparer son soi du soi d’autrui : on voit donc l’importance de la coexistence en société.

 

Les névrosés ne sont pas les seuls à avoir tendance à oublier d’accepter les douleurs ou de vivre avec les autres, c’est notre cas à nous aussi. C’est ce que dit le bouddhisme et on peut dire que le Zen est la quintessence du bouddhisme. Morita a dit que sa thérapie était quelque chose qui se situait à l’intersection de la science, du bouddhisme et de la philosophie.

 

La Thérapie de Morita a pour point de départ une forme d’hospitalisation caractéristique. Morita a accueilli des patients dans sa maison comme des membres de sa famille, et a mené la vie commune avec eux. Dans cette thérapie, le rôle paternel de Morita, thérapeute, a été très important. Mais le rôle maternel tenu par sa femme a également été indispensable. De même, la fraternité entre patients dans la vie en groupe, leur a permis de développer leur sociabilité.

 

L’hospitalisation consiste en quatre étapes :

– la première étape est celle du coucher absolu,

– la deuxième étape est celle de l’observation du monde extérieur,

– la troisième étape est celle du travail,

– la quatrième étape est celle de la vie sociale compliquée.

Les patients suivent chaque étape dans l’ordre. Ils gardent d’abord le lit sans rien faire au cours de la première étape. Ce faisant, ils font exclusivement face à leur moi et par cette expérience, ils se libèrent de l’esclavage de l’ego et restaurent le soi pur. Prenant un nouveau départ avec cette expérience de renaissance de soi, et passant par les différentes étapes, ils accroissent leur humanité.

 

03-MoritaComme Morita était médecin, il lui incombait dans l’immédiat de guérir les symptômes de ses patients névrosés. Mais chez l’homme, l’inquiétude et le sentiment de sérénité étant comme les deux faces d’une même médaille, le désir d’éliminer la seule inquiétude d’un névrosé est impossible à réaliser et on reste dans un palais des illusions. Un traitement véritable doit extirper ce genre d’illusions. Morita a enseigné que la guérison n’était rien d’autre que de vivre jusqu’au bout avec les douleurs. Dans ce sens, il a assimilé la guérison à l’éveil.

 

Avec ce que j’ai dit jusqu’ici, il me semble qu’il est facile de comprendre que la Thérapie de Morita elle-même est quelque chose qui correspond bien au Zen. Et à ce propos, il y a un hôpital qui a une inspiration zen plus poussée que la thérapie effectuée par Morita. C’est l’Hôpital Sansei qui se situe à Kyoto. Le Dr Genn-yu Usa, bonze et psychiatre, était un disciple direct de Morita. En 1922, il a fondé la clinique Sansei qui est à l’origine de l’hôpital, dans l’enceinte même du temple de Tôfukuji et il y a commencé le traitement par hospitalisation de la Thérapie de Morita. Cinq ans plus tard, en 1927, cette clinique est devenue officiellement un hôpital. Ainsi, le Dr Genn-yu Usa qui en a été le premier directeur, a traité les névrosés par l’hospitalisation dans cet établissement et y a fidèlement appliqué la thérapie de Morita, son maître. Morita est mort en 1938 mais l’Hôpital Sansei qui a hérité de la Thérapie de Morita, a continué à jouer un rôle historique important en tant qu’établissement représentatif de cette thérapie, dans notre pays. Quand, en 1957, le premier directeur, Genn-yu Usa, est décédé, c’est son fils, le Dr Shin-ichi Usa qui est devenu le deuxième directeur. Et jusqu’à aujourd’hui, il a conservé la thérapie qui garde la pensée et la méthode zen mise au point par son père qui était tout à la fois bonze zen et fidèle partisan de la Thérapie de Morita.

 

Le deuxième directeur aura bientôt 88 ans et il a décidé tout dernièrement de cesser les consultations à la fin de décembre. Comme il fallait annoncer la fermeture aux patients, un avis a été affiché à la porte de l’hôpital mais elle n’a pas encore été annoncée officiellement à l’extérieur. Mais cette fois, vous qui assistez au Congrès de Psy Cause, vous aurez pu prendre part au mouvement de l’histoire en venant à Kyoto au moment important où le flambeau de la Thérapie de Morita traditionnelle est sur le point de s’éteindre. Ce n’est pas à moi d’annoncer officiellement la fermeture de l’hôpital mais comme le hasard a voulu que ce congrès se tienne juste avant la fermeture de l’hôpital, vous en serez peut-être les derniers visiteurs étrangers. C’est en pensant à cela que je vous ai révélé à dessein la fermeture de l’hôpital. Les Japonais ici présents comprendront que je leur donne les dernières nouvelles de l’Hôpital Sansei dans le cadre de ce Congrès de Psy Cause.

04-Genn-yu-Usa

 

Il va de soi que la thérapie utilisée à l’Hôpital Sansei conserve la thérapie mise au point par Shoma Morita. Mais la personnalité des deux thérapeutes qui ont dirigé l’hôpital, celle du premier directeur qui était bonze et celle de l’actuel directeur, se reflète dans la Thérapie de Morita. Il faut d’ailleurs mentionner que la thérapie de Morita telle qu’elle est utilisée à l’Hôpital Sansei, porte le nom de « thérapie d’Usa ». »

 

Le Pr Shigeyoshi Okamoto aborde alors sa seconde communication, à savoir la présentation du maître Zen Eshin Nishimura :

 

02-Salle-Sujaku« J’aimerais maintenant vous présenter Maître Eshin Nishimura qui va faire une conférence spéciale sur le Zen. Ce que je voudrais dire pour commencer, c’est « Ecce Homo ! » Il s’agit du titre de l’autobiographie de Nietzsche et ça signifie « Regardez cet homme ». L’origine de cette expression latine dont le sens semble complexe, se trouve dans le Nouveau Testament. Mais sans trop me soucier de son origine, c’est tout simplement dans le sens de « Regardez cet homme », que je voudrais citer cette expression. Regardez cet homme en chair et en os, regardez son visage, écoutez directement sa voix. Cette présentation maladroite est peut-être inutile mais je la fais quand même pour vous présenter le parcours de Maître Nishimura.

 

Maître Nishimura est né en 1933. Il a donc 81 ans. Depuis son jeune âge, il a été élevé comme petit bonze dans le temple d’une école bouddhique zen avant de faire, dans son adolescence, son entrainement au temple de Nanzen à Kyoto. Ensuite, il est allé aux États Unis pour étudier dans un institut de sciences religieuses où il a fait aussi des recherches sur le christianisme. De retour au Japon, après des études à l’Université de Kyoto, il est devenu professeur à l’Université d’Hanazono qui est une université de l’école zen de Rinzai située à Kyoto. Il a également été président de cette université. Actuellement, il est professeur honoraire et il dirige aussi l’Institut de la Culture zen qui dépend de cette université.

 

Il est l’auteur de plusieurs ouvrages et le plus grand spécialiste du Zen de l’école Rinzai. Il existe un nombre important de spécialistes du Zen qui enseignent le Zen comme science, aux étrangers. Si j’ai demandé cette fois-ci à Maître Nishimura de nous donner une conférence, ce n’est pas parce qu’il est le plus grand spécialiste japonais du Zen mais parce que je voudrais qu’en le voyant en chair et en os, vous ressentiez par vos cinq sens le Zen vivant qui émane de sa personne.

 

C’est moi qui ai choisi le titre de la conférence : « Qu’est-ce le Zen et pourquoi le Zen ? ». Maître Nishimura, dont la vie est celle d’un homme de zen, va parler en anglais. Essayez de recevoir les paroles de Maître Nishimura telles qu’elles sont, car que ce soit en anglais ou en japonais, il ne faudrait pas traduire ces paroles. Car il parle dans la « langue Nishimura » qui surgit de l’homme, et dès qu’on traduit, l’essence de cette « langue Nishimura » disparaît. Par conséquent vous devez ressentir avec vos cinq sens la totalité de l’être du maître, en écoutant avec vos oreilles, en regardant avec vos yeux : « la langue de Nishimura ».

 

Maintenant, je vais vous parler un peu de ma propre rencontre avec Maître Nishimura. C’était il y a une quinzaine d’années. Je me tourmentais car je ne parvenais pas à comprendre tout à fait une partie de la doctrine zen de la Thérapie de Morita de l’Hôpital Sansei. Mes interrogations portaient surtout sur l’enseignement : « Ne pas posséder la conscience de soi mais posséder la conscience d’autrui. » Mettre l’accent sur le salut d’autrui plutôt que sur son propre salut, cela correspond certes à l’enseignement du bouddhisme du Grand Véhicule, mais il y a là une division entre soi et autrui qui est contraire à la pensée du Zen qui considère que soi et autrui sont indivisibles. Alors que je me débattais dans cette difficulté, je me suis décidé à demander à Maître Nishimura, avec qui je n’avais jamais eu de relations jusqu’alors, de me guider. Il a répondu gentiment à mes questions. La tâche essentielle du Zen consiste dans « la recherche de soi » et par cette recherche, Maître Nishimura m’a enseigné le surgissement de l’expérience de fusion entre soi et autrui. Ainsi, non seulement mes questions ont disparu grâce à la pensée du Zen véritable, mais également, à travers la personne du Maître lui-même, j’ai eu l’impression de toucher le Zen vivant. J’ai donc fait l’expérience d’une émotion pleine de fraicheur : « Ah ! C’est donc ça le Zen ! ».

 

05-Maitre-Eshin-Nishimura-1Depuis lors, je respecte Maître Nishimura. Il a beaucoup de disciples éminents et même si je ne peux sans doute pas avoir le titre de disciple, il est pour moi un maître très précieux. C’est en me disant que ce serait bien si vous sentiez directement le Zen à travers Maître Nishimura, que je lui ai demandé cette conférence. Je voudrais donc vous dire encore une fois : « Ecce Homo ». »

 

Après une courte pause, arrive le maître pour une conférence de 90 minutes suivie de 30 minutes pour les questions. Question : quelle restitution faire dans ce compte rendu ? Nous avons un enregistrement réalisé par la Dr Patricia Princet mais nous allons prendre
le temps nécessaire de la réflexion sur ce qu’il y a lieu de faire. Dans l’immédiat de ce carnet, contentons nous de dire que le Maître Nishimura a communiqué sur le thème : « Qu’est-ce le Zen et pourquoi le Zen ? ». Nous avons regardé sa présence, sa gestuelle, entendu ses paroles en anglais, les comprenant parfois, avec le sentiment d’une rencontre d’exception. La langue anglaise étant la langue de référence du maître, le Dr André Gagnon qui est parfaitement bilingue a accepté le rôle d’interprète dans l’échange des questions/réponses entre les congressistes et le maître, ce qui a permis a posteriori pour celles et ceux qui maitrisent mal l’anglais, d’accéder à la pensée Zen du maître.

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Cette seconde matinée de congrès est suivie d’une après midi de pause avant la visite de l’Hôpital Sansei et une séance de méditation dans un temple Zen le lendemain, qui feront l’objet du prochain carnet.

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Jean Paul Bossuat

 

国際PSYCAUSE学会(京都)の開催報告―フランス語版の転載―(2)10月19日午後の部―

2014/11/10

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Journal du congrès de Kyoto : carnet N°4. Après midi de congrès du 19 octobre 2014

 

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01-No-Nanoka-19.10.14La première partie de l’après midi est consacrée à la projection d’un film documentaire sur l’Hôpital Sansei en présence du réalisateur, Mr No Nanoka venu de Tokyo. Ce film en japonais sous titré en anglais et traduit par notre interprète, est intitulé : « Morita Therapy to live ». Il est introduit par le Pr Shigeyoshi Okamoto qui nous brosse le panorama de la Thérapie de Morita au Japon aujourd’hui : 300 médecins pratiquent la Thérapie de Morita au Japon. Peu réfèrent leurs soins à la philosophie du Zen. Les autres ont pris de la distance avec cette philosophie qui est à la base de cette thérapie et ne savent pas ce qui est pratiqué à l’hôpital Sansei qui est un élément attesté dans l’historique de cette thérapie. Le film fait découvrir un lieu de pratique de la Thérapie de Morita qui demeure un mystère pour un certain nombre de praticiens de cette dernière. Le scénario du film est construit sur l’hospitalisation à Sansei d’un garçon qui a une phobie d’autrui. Après plus de deux heures de projection captivantes, nous dialoguons avec le réalisateur. Ce film met en évidence une thérapie qui permet un lâcher prise de la jouissance sans changer la problématique névrotique sous-jascente qui est mise à distance, en moins de trois semaines. Le patient, libéré d’une pathologie invalidante, peut ensuite valoriser pleinement son talent artistique.

 

Après une courte pause, nous avons deux communications qui toutes les deux concernent l’enfance et l’adolescence, sous deux regards culturels différents : canadien puis japonais. Le premier intervenant est le Dr André Gagnon, pédopsychiatre à l’Hôpital Pierre Janet à Gatineau (au Québec au nord d’Ottawa). Sa communication est intitulée : « Formation et confusion de l’identité culturelle et spirituelle ».

 

02-Andre-GagnonLe Dr André Gagnon commence par s’appliquer à lui même le thème de son exposé, nous présentant son origine, ses études et sa famille. Il poursuit avec une citation d’« Alice au pays des merveilles » qui dialogue avec la chenille, pour nous sensibiliser à la dimension culturelle de l’identité :

« « Qui êtes-vous ? » dit la chenille. Ce n’était pas là une manière encourageante d’entamer la conversation. Alice répondit un peu confuse : « Je – je le sais à peine moi-même quant à présent. Je sais bien ce que j’étais en me levant ce matin, mais je crois avoir changé plusieurs fois depuis. »

« Qu’entendez-vous par là ? » dit la chenille d’un ton sévère. « Expliquez-vous. »

« Je crains bien de ne pouvoir pas m’expliquer. » dit Alice, « car, voyez-vous, je ne suis plus moi-même. »

« Je ne vois pas du tout. » répondit la chenille.

« J’ai bien peur de ne pouvoir pas dire les choses plus clairement. » répliqua Alice fort poliment ; « car d’abord je n’y comprends rien moi-même. Grandir et rapetisser si souvent en un seul jour, cela embrouille un peu les idées. »

« Pas du tout. » dit la chenille.

« Peut-être ne vous en êtes vous pas encore aperçu. » dit Alice. « Mais quand vous deviendrez chrysalide, car c’est ce qui vous arrivera, sachez le bien, et ensuite papillon, je crois bien que vous vous sentirez un peu drôle, qu’en dites-vous ? »

« Pas du tout. » dit la chenille.

« Vos sensations sont peut-être différentes des miennes. » dit Alice.

« À vous ! » dit la chenille d’un ton de mépris. « Qui êtes vous ? »

Alice, un peu irritée du parler bref de la chenille, se redressa de toute sa hauteur et répondit bien gravement : « il me semble que vous devriez d’abord me dire qui vous êtes vous-même. »

« Pourquoi ? » dit la chenille. »

Le Dr André Gagnon remarque qu’il y a lieu de s’interroger à propos de ce dialogue, sur la question des compétences culturelles.

 

03-Power-Point-1Il poursuit sur une mise en cause des schémas simplistes de l’identité en termes d’évolution ou d’arbre généalogique. Il évoque la question de l’adaptation historique de l’enfant : l’âge de raison varie selon les époques, l’enfant peut être objet de la loi de façon prolongée dans le système féodal, bousculé dans une dialectique de lutte des classes ou être sujet de la loi en Suède. Les valeurs changent au fil du temps. Le Dr André Gagnon s’arrête alors sur la définition de l’identité. C’est un nom féminin d’origine latine « identitas », « le même ». Il définit le rapport que présentent entre eux deux ou plusieurs êtres ou choses qui ont une similitude parfaite : par exemple l’identité de goûts entre personnes. Ce mot définit aussi le caractère de deux êtres ou choses qui ne sont que deux aspects divers d’une réalité unique, qui ne constituent qu’un seul et même être : par exemple reconnaître l’identité de deux astres, homme et femme. Ce mot définit aussi le caractère permanent et fondamental de quelqu’un, d’un groupe, qui fait son individualité, sa singularité : par exemple une personne cherche son identité nationale. L’identité est alors l’ensemble des données de fait et de droit qui permettent d’individualiser quelqu’un (date et lieu de naissance, nom, prénom, filiation, etc…) On peut ainsi par exemple rechercher l’identité d’un noyé. En logique et en philosophie, l’identité est la caractéristique de deux ou de plusieurs objets de pensée, qui tout en étant distincts par le mode de désignation, par une détermination spatio-temporelle quelconque, présentent exactement les mêmes propriétés. Le communicant rappelle le principe d’identité qui affirme qu’une chose est entièrement égale et exclusivement égale à elle même (A=A). En psychologie, il est question d’identité sociale, c’est à dire la conviction d’un individu d’appartenir à un groupe social, qui repose sur le sentiment d’une communauté géographique, linguistique, culturelle, et qui entraine certains comportements spécifiques. L’identité de l’individu est en psychologie sociale, la reconnaissance de ce qu’il est, par lui même ou par les autres. « La notion d’identité est au croisement de la sociologie et de la psychologie, mais intéresse aussi la biologie, la philosophie et la géographie. »

 

L’identité se joue en terme de développement du soi, lequel, selon Daniel Stern, se conjugue en soi émergeant, soi noyau, soi subjectif, soi verbal et soi narratif qui intègre le culturel et le spirituel. Soi qui se constitue en fonction de l’attachement sécure, insécure ou désorganisé. Selon Bowlby, l’attachement est spécifique à chaque dyade enfant-parent, sachant que 80% des enfants ont un lien positif avec un parent, que 60% ont un lien positif avec les deux parents. Cet attachement est l’un des meilleurs prédicteurs de Santé Mentale. Le Dr André Gagnon passe en revue les stades évolutifs du développement psycho-social d’Erik Erikson, le développement psychologique selon Jean Piaget, le développement moral selon Lawrence Kohlberg et s’attarde sur l’approche de D.W. Winnicott. Ce dernier articule la problématique de l’adolescent selon deux item : « Être bien seul, Être bien avec les autres. » La deuxième phase de Séparation-Individuation selon Peter Blos, complète D.W. Winnicott : elle consiste à développer ses propres références et différences, à identifier les limites, à acquérir les habiletés et l’autonomie, à reconnaître ses compétences, à accroitre ses facultés de perception, de mémoire et de cognition.

 

L’adolescent, poursuit le Dr André Gagnon, est confronté à la question des valeurs. À commencer par les valeurs spirituelles. L’adolescent est dans un monde où cohabitent la domination mercantile et matérialiste, les tensions religieuses extrêmes… ou extrémistes… Il peut verser dans l’anomie, l’angélisme, l’attentisme ou dans l’engagement.

 

04-Power-Point-2Le Dr André Gagnon synthétise ensuite les données de son exposé selon un « Cycle de vie familial » (schéma de Carter et McGoldrick adapté par André Gagnon), à lire en photos ci-contre. Il part des enjeux pour l’adulte singulier, poursuit avec ceux de la constitution du couple, puis de la famille avec de jeunes enfants, de la famille avec des adolescents, du « lancement » des enfants, et enfin de l’entrée dans le troisième âge. Cette présentation met en évidence l’importance des aspects trans-générationnels. Des frontières inadéquates peuvent s’établir entre parents et enfants : une sur-implication cause d’anxiétés de séparation et de somatisations, une dépression cause de négligence et de failles narcissiques, une fusion cause de toxicomanie, des deuils non résolus causes d’attachement impossible.05-Power-Point-3

 

Lorsque l’on articule famille, culture et société, on s’aperçoit que le tout est supérieur à la somme des parties. Face à un système sain constitué respectivement des échanges, des renégociations, et d’un leadership juste avec des alliances, on a un système malsain constitué respectivement des tensions/conflits/spirales de problèmes, de la compétition/soumission, et des clivages/rivalités.

 

Le second intervenant est le Dr Kiyoshi Shiraishi qui est un psychologue japonais lacanien, Chef du Centre des Soins des Enfants dans l’Hopital Psychiatrique Nozoe à Kyushu. Il communique sur le thème : « Les pathologies et les soins des enfants et des adolescents au Japon, du point de vue psychanalytique – Approche psychothérapique et préventive pour le développement de l’enfant du couple schizophrénique » Il nous annonce qu’il va essayer de nous présenter en première partie, ce qui se passe actuellement chez les enfants et les adolescents au Japon.

 

07-Kiyoshi-Shiraishi-Les problèmes actuellement rencontrés par le psy des enfants et des adolescents du Japon, nous dit-il, nous conduisent à évoquer obligatoirement un drame tragique à la fin des années 1980 : un père assassinait son fils qui dormait, à l’aide d’une batte de base ball. Le père vivait à ce moment là un enfer dans sa vie quotidienne, à cause de son fils enfermé qui présentait des actes violents au domicile notamment envers sa mère. Dans les années 1990, se pratiquait l’IJIME qui consistait à agresser un (ou une) élève sélectionné à l’école. Ainsi, il y eut beaucoup de victimes tuées ou qui se sont suicidées. Ce phénomène de violences dans l’école existe encore aujourd’hui et devient un véritable problème social. Dans le même temps, il y a des négligences et des maltraitances nourricières, des meurtres de bébés et de petits enfants par les parents. Un autre phénomène est le HIKIKOMORI qui consiste à refuser l’école et à s’enfermer volontairement au domicile sans avoir des contacts socio-familiaux, tout en commettant parfois des actes de violence volontaire envers des membres de la famille. Il n’existe pas de statistique officielle, mais officieusement le ministère de l’éducation nationale estime que le nombre de HIKIKOMORI serait de l’ordre d’un million d’individus voire le double.

 

La mutation de l’environnement médiatique a produit un phénomène social très inquiétant avec les jeux télévisés, les bandes dessinées, le manga, internet etc. Elle provoque une modification des styles de la communication et de la façon de vivre. Les suicides collectifs, les tentatives de suicide à deux, les ijimes et les adolescentes qui se prostituent auprès des adultes, deviennent une préoccupation. « Ajoutons que la télévision a donné l’information que plus de cent enfants de moins de cinq ans ont payé des jeux électroniques avec une carte de crédit, le plus jeune ayant deux ans ! » Comme, de ce fait, moins d’enfants s’amusent au dehors, de plus en plus présentent des problèmes d’adaptation dans les milieux socio-familiaux-scolaires. Ce sont des enfants qui ont des traits hyper ou hypokinétiques avec des problèmes relationnels et de communication.

 

Le Japon a subi des crises économiques en raison de l’excès d’investissement des banques dans les années 1990. La conséquence en a été de nombreux licenciements et une réorganisation de l’économie privilégiant l’industrie informatique technologique avec un contrôle des réseaux électroniques. Les inégalités socio-économiques se sont considérablement creusées avec des gens très riches (appelés Kachigumi = celui qui est gagnant) et des gens très pauvres (appelés Makegumi = celui qui est perdant). « La tendance à la déflation continue nous a conduit à la situation d’aujourd’hui. » Sur le plan de l’éducation, les problèmes d’inégalités économiques se traduisent au niveau des résultats scolaires et on assiste à un abaissement général de ces résultats. Le Dr Kiyoshi Shiraishi conclut la première partie de son exposé par ce constat : « le Japon actuel pour les enfants est ce que je viens de vous présenter et les enfants japonais sont vraiment fatigués. »

 

Kyushu est la plus méridionale des grandes îles qui constituent le Japon (la ville la plus connue y est Nagasaki). Dans l’hôpital psychiatrique Nozoe installé à Fukukoa sur cette île, le Dr Kiyoshi Shiraishi a promu la psychanalyse d’inspiration française (lacanienne) comme outil de référence dans la prise en charge des enfants et des adolescents. Sa communication s’inscrit donc pleinement dans la démarche francophone internationale de Psy Cause. Il acceptera d’ailleurs, le surlendemain, d’entrer dans le comité de rédaction francophone de la revue Psy Cause. Il nous explique, en seconde partie de son exposé, la prise en charge psychanalytique d’un enfant de parents perturbés par la psychose, présentant des symptômes de violence, en maniant les concepts lacaniens et en situant la dynamique thérapeutique dans un travail sur le père imaginaire et le père symbolique.

 

Cette communication clôt la première journée de congrès. Cette dernière a été entièrement sous le signe de la francophonie, de la rencontre entre les cultures française, francophone nord américaine et japonaise. Nous avons l’honneur d’être les témoins d’un moment historique dans la pratique de la Thérapie de Morita avec la mission de le faire connaître. Nos échanges ont pu présentifier un croisement des modes de pensée avec par exemple l’utilisation en France du Manga comme médiateur thérapeutique ou la place de la psychanalyse lacanienne dans un hôpital du sud du Japon.

 

Jean Paul Bossuat

国際PSYCAUSE学会(京都)の開催報告―フランス語版の転載―(1)10月19日午前の部―

2014/11/10

この学会の報告が、PSYCAUSEのホームページにシリーズとして掲載されていることを、先のブログでご案内しました。

しかし、その記事は当該ホームページ上でバックナンバーになりつつありますので、それらの報告を、以下4回に分けて、改めて転載してご覧いただきます。

 

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Journal du congrès de Kyoto : carnet N°3. Première matinée de congrès (19 octobre 2014)

 

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01-Affiche-Psy-CauseLa première journée du congrès se déroule au huitième étage du Karasuma Convention Hall de Kyoto. Après le mot de bienvenue du Dr Jean Paul Bossuat, Président français du congrès, sur le thème de la rencontre, le Pr Shigeyoshi Okamoto, Président japonais du congrès, prononce le discours d’ouverture :

« En tant que responsable de l’organisation, du côté japonais, je voudrais d’abord souhaiter la bienvenue à Kyoto au congrès de Psy Cause, à tous les ressortissants de pays francophones ici présents. Je voudrais aussi les remercier d’être venus de si loin jusqu’ici. Ma gratitude va aussi aux Japonais qui participent avec assiduité, bien qu’il s’agisse d’un colloque en langue étrangère.

 

Quant à moi, Shigeyoshi Okamoto, cela fait une dizaine d’années que j’ai des échanges avec ce mouvement. Notamment, j’avais eu l’honneur d’être invité à faire une conférence sur « La thérapie de Morita et le bouddhisme » au congrès qui s’est tenu au Cambodge en 2012. Mais mon état de santé s’étant aggravé, je n’ai malheureusement pas pu être présent en personne, dérangeant ainsi grandement les membres de Psy Cause. Je voudrais donc saisir l’occasion qui m’est donnée ici pour leur renouveler toutes mes excuses.

 

Cette année, deux ans ayant passé, j’ai dû accepter la tenue de ce congrès, pour me faire pardonner. À vrai dire, avec le Professeur Seko qui fera la première communication aujourd’hui, nous avions pensé qu’il ne serait pas impossible d’organiser en 2015 à Kyoto, sinon un congrès, du moins une réunion de recherche internationale plus informelle. Mais Psy Cause ayant déjà décidé de son côté de tenir ce congrès, j’ai dû assumer seul la responsabilité d’accepter. En conséquence, il m’a fallu en assurer la préparation, sans aucune aide. C’est la raison pour laquelle je vous demanderai de vous montrer indulgents pour les problèmes qui pourraient survenir.

 

Je dois par ailleurs ajouter que l’Hôpital Sansei, qui est l’hôpital le plus traditionnel pour la Thérapie de Morita, fermera ses portes à la fin de cette année. La décision a été prise à la fin de septembre. L’histoire de la Thérapie de Morita évolue depuis le passé jusqu’à présent et du présent vers l’avenir. En voyant les dernières images de l’Hôpital Sansei en activité et en réfléchissant ensemble à la signification historique de cet hôpital, je voudrais que ce congrès soit mémorable.

 

À la place du film qui avait été prévu au programme, on vous montrera donc un documentaire de l’Hôpital Sansei. On vous annonce ainsi qu’une partie des objectifs de ce congrès a changé, du fait des circonstances. Tout en vous demandant de vous montrer compréhensifs à ce sujet, je vous remercie de votre attention. »

Les deux vice présidentes, les Drs Patricia Princet et Catherine Lesourd, prennent ensuite la parole, situant ce congrès dans la dynamique et l’historique de Psy Cause, revue et association internationales, en particulier la continuité des trois congrès internationaux de Psy Cause : Siem Reap au Cambodge (2012), Ottawa au Canada (2013) et Kyoto (2014). Le Dr Jean Paul Bossuat clôt cette séquence introductive au congrès, par un hommage au Pr Ka Sunbaunat, Président de notre congrès au Cambodge, auquel vient d’être décerné en septembre à Madrid à l’occasion du congrès mondial de psychiatrie, le prix de Genève pour les droits de l’Homme en Psychiatrie.

03-SalleLes communications peuvent alors commencer devant un public nombreux, avec la parité entre les congressistes français et canadiens d’une part, et les congressistes japonais d’autre part, d’environ 80 personnes. La présence d’une interprète professionnelle crée les conditions d’échanges fructueux entre les participants. Il convient de noter que les communicants japonais de la première journée, ont présenté leur travail en langue française, témoignant de la pertinence d’un congrès francophone au Japon, et du rayonnement de la psychiatrie voire de la psychanalyse françaises en Extrême Orient.

Le Professeur Kei Seko, neurologue et Directeur de l’Hôpital Tango-Furusato (hôpital général au nord de la Préfecture de Kyoto) ouvre les travaux avec sa communication intitulée : « La Vie d’ ARUGAMAMA : la philosophie vitaliste dans la thérapie de Morita ». Il introduit son propos par un tour d’horizon des psychothérapies : « Il existe plus de 600 méthodes en psychothérapie dans le monde. L’efficacité de chacune est identique. » Il s’attarde sur une méthode dont l’efficacité est particulière dans le post-traumatisme : « Helen Bamber, la fondatrice de la Helen bamber Foundation, une psychothérapeute des victimes des camps concentrationnaires nazis, a utilisé une méthode consistant à écouter l’histoire des victimes et a réussi à les libérer, à réduire leurs souffrances mentales. Les souvenirs doux de la première enfance étaient les plus efficaces selon elle. (Dans le cas de Bouddha, je pense que c’était très difficile. Il a trouvé une autre voie.) » Il poursuit son exposé en insistant sur l’intérêt du traitement cognitivo-comportemental qui permet de surmonter l’autisme dans 10% des cas.

04-Pr-Kei-SekoIl établit ensuite des comparaisons de perception entre les cultures. Le poète anglais William Blake écrit en 1803 : « To see a world in a grain, and eternity in an hour ». Tandis que l’école japonaise du bouddisme de Kegon, nous propose le soutra de l’enseignement de Bouddha : « Voir un univers dans une goutte de rosée, et l’éternité en un moment ». Il compare l’esthétique géométrique du château de Versailles avec celle du jardin de la villa impériale de Shugaku-in. Il s’attache ensuite à nous faire percevoir les spécificités du bouddhisme japonais avec trois citations : « Tout le peuple a un caractère de Bouddha », « Collines, montagnes, rivières et plantes ont toutes un caractère de Bouddha », « Tous les gens deviennent bouddhas après la mort, y compris les malfaiteurs ». Le Pr Kei Seko évoque la vie de Bouddha : « Maya, la mère de Bouddha est morte une semaine après la naissance de celui-ci. Les souffrances de Bouddha durant sa vie ont commencé par cette réminiscence de sa mort. Bouddha considérait intensivement les souffrances, la délivrance de ces souffrances, ce qu’est la vie, ce qu’est l’homme. C’est sa façon de surmonter ses souffrances. »

05-Communication-19.10.14La dernière partie de l’exposé du Pr Kei Seko est centrée sur l’application clinique du bouddhisme Zen dans la thérapie de Morita. Il rappelle que la névrose au Japon est une réalité ancienne, citant le propos d’un aristocrate du VIII° siècle (Otomo-no Yakamochi) : « Un jour de beau temps au ciel serein, l’alouette monte, et je suis triste quand je me plonge moi-même dans mes réflexions ». Le Directeur de l’hôpital Sansei, le Dr Shinichi Usa, affirme : « Abandonnez l’introspection et concentrez-vous sur les choses réelles, travaillez pour les autres. » Le Pr Kei Seko achève son exposé par cette citation Dôgen : « Apprendre le bouddhisme, c’est s’apprendre soi-même. S’apprendre soi-même, c’est s’oublier soi-même ».

La seconde communication est celle d’une femme japonaise, la Docteure Eri Muso, néphrologue et chef du département de la néphrologie de l’Hôpital Kitano à Osaka : «  L’Identité de la Femme Médecin dans la société japonaise ». Cette intervenante est une ancienne chef du comité de l’égalité des sexes06-Eri-Muso-19.10.14de la société japonaise de néphrologie. Au Japon, dit-elle, le nombre de médecins femmes augmente peu à peu. « En 2013, 18% des médecins étaient des femmes et, surtout, 33% des étudiants diplômés d’une université médicale sont des femmesAu Japon, malheureusement, beaucoup de femmes quittent leur profession après avoir eu un bébé et ne reviennent jamais à leur position précédente. » La cause du problème de l’abandon de l’activité professionnelle est « non seulement dans l’insuffisance du soutien de la société pour élever les enfants en bas âge, mais aussi dans la mentalité sociale, féodale, la responsabilité d’élever les enfants incombant à la femme, et non à l’homme. » La Dre Eri Muso ajoute qu’au Japon, le ménage est toujours le travail réservé aux femmes et il est très difficile de demander la participation des hommes dans cette occupation. À cela s’ajoute pour les femmes une limitation dans la progression de carrière qui diminue la motivation à travailler. Au Japon, précise t’elle, les chances en politique et dans les responsabilités sociales pour les femmes, sont parmi les plus faibles dans le monde qu’il soit développé ou en voie de développement. Une enquête fait apparaître que les femmes, dont celles qui sont médecins, ne sont pas intéressées par des responsabilités hiérarchiques, ce qui n’encourage pas la progression de leur carrière… et leur motivation à continuer leur carrière. Le Premier ministre Abe, conscient du problème, a récemment déclaré qu’il allait augmenter jusqu’à 30% avant 2020, le pourcentage de femmes ayant des responsabilités dans l’ensemble de la société. Par exemple, pour atteindre cet objectif, vont être améliorés le nombre de garderies et la flexibilité du travail. « Ce genre d’innovations améliorerait sans doute la situation actuellement insuffisante des femmes qui travaillent, y compris des médecins, mais ce n’est pas l’idéal. Peut-être sera t’il nécessaire de réfléchir d’une autre façon au rôle de femme et de l’homme dans la société japonaise », conclut la Dre Eri Muso.

Le Docteur Jean Louis Griguer, psychiatre chef de pôle à Valence, Docteur en philosophie, rédacteur de Psy Cause, communique sur le thème : « Approche phénoménologique de la rencontre ». La question de la rencontre, nous dit-il, est la question centrale de la phénoménologie qui est la pensée de ce qui nous apparaît dans notre expérience commune. « L’expérience est expérience des autres ».

07-GriguerSelon Sartre, l’expérience de la rencontre est essentiellement comprise comme une confrontation. Sartre considère que l’homme ne peut développer la conscience qu’il a de lui même comme individu singulier qu’à travers les rapports qu’il noue avec les autres. « L’apparition dans mon champ visuel est vécu comme un bouleversement profond car je ne suis plus réellement maître de la situation. L’autre est celui qui me regarde et qui me juge sans cesse, celui qui me dépossède de ma liberté et devant lequel je ne suis plus invulnérable. »

Selon Lévinas, l’expérience est celle d’une nécessaire soumission à l’autre. « L’autre n’est pas celui qui me juge mais celui qui exige impérativement de moi aide et assistance. » Lévinas part en effet de l’idée que l’être humain fait dès son entrée dans le monde l’expérience de la solitude et de l’incommunicabilité. Il parle du « choc de la rencontre » que rien ne peut amortir car le face à face avec l’autre est inévitable. La rencontre est pour lui une expérience éthique, « précisément parce qu’elle oblige à sortir de mon égoïsme, à me soucier exclusivement de l’autre qui me domine de toute sa hauteur. » Lévinas est très attaché à la notion de responsabilité. « L’instauration de cette responsabilité donne une « priorité à l’autre », garantit l’authenticité de ma relation à l’autre. Rencontrer, c’est donc se trouver en présence d’un autre auquel ma parole s’adresse et une altérité qui m’interpelle, m’implique. »

Selon Merleau-Ponty, poursuit le Dr Jean-Louis Griguer, l’expérience d’autrui est celle d’une réciprocité harmonieuse et d’une coexistence permettant l’épanouissement de chacun. Merleau-Ponty met d’emblée l’accent sur la situation réelle de l’être humain qui est toujours déjà en rapport avec les autres et qui partage avec eux son univers. Il prend en considération son entièreté, tout à la fois corps et esprit.

Le Dr Jean Louis Griguer poursuit son exposé par la rencontre dans la thérapie des psychoses. Ces approches qu’il vient de nous décrire, peuvent s’entrelacer dans le cadre de la thérapie, d’une part par la notion de partage comme fondement de la relation thérapeutique, d’autre part par l’importance de reconnaître dans la rencontre avec le patient, l’interpellation qui émane de son visage. « La thérapie des psychotiques doit avoir pour fonction de rétablir un rapport à autrui possible qui ne soit pas aliénant, ce qui implique à la fois qu’il puisse être libre, consenti et réciproque, conditions nécessaires à la constitution même d’une ipséité autonome. » Le Dr Jean Louis Griguer conclut son propos par ces mots : « La rencontre de l’autre est toujours le commencement d’une aventure avec cette ambiguïté inhérente à toute rencontre. Rencontrer, c’est peut-être se trouver en présence d’un autre auquel ma parole s’adresse et d’une altérité qui m’interpelle, se tourne vers moi, m’implique. »

La Docteure Sinziana Véronica Loiso, psychiatre au CHS Fains Veel, rédactrice de la revue Psy Cause,  communique sur le thème : « Manga, images dérisoires qui prennent un contour réel dans un style de vie ». Elle introduit son exposé par la dimension culturelle du phénomène Manga. Le Manga trouve des prémices dans la peinture narrative à l’époque de Nara (première capitale historique du08-Dre-Sinziana-Veronica-LoisoJapon). Elle évoque l’art des estampes : Katsushika Hokusai est le fondateur de l’estampe paysage ; on connaît de lui « le Hokusai Manga », célèbres caricatures qu’il publie entre 1814 et 1834 à Nagoya et qui consacrent le mot Manga. Suivent des échanges culturels qui apportent une influence positive sur les sur les bandes dessinées du manga. Elle cite Fumio Nomura qui a fait une partie de ses études en Grande Bretagne et imprime entre 1877 et 1907, Kiyochika Kobayashi créateur d’estampes ukiyo-e et qui a été élève de Charles Wirgman, Georges Ferdinand Bigot qui arrive à Yokohama en 1882 et enseigne les techniques occidentales de dessin et des aquarelles à l’école militaire de la ville, Gustave Verbeck de nationalité hollandaise et né au Japon à Nagasaki, qui va suivre les cours aux Beaux Arts à Paris et qui révolutionne le monde des arts appliqués avec sa célèbre œuvre « The Upside-Downs Little Lady Lovekins and Old Man Muffaroo », qui a publié pendant son séjour à Paris quelques bandes dessinées dans le journal « Le Chat Noir ». La consécration des premiers mangas date de 1902 : il s’agit d’une histoire dessinée par Fukuzawa dans les pages illustrées de Jiji Shinpô. Ce supplément deviendra Jiji Manga rapidement. Osamu Tezuka donnera naissance au manga moderne : par les essais graphiques créés, il introduit le mouvement. Il réalise la première série d’animation japonaise pour la télévision en janvier 1963. Il reçoit le prix culturel de Tokyo en 1985. C’est en 1970 qu’apparaît sur le marché le premier manga pour les filles, des auteurs Moto Hagio et Keiko Takemiya. En ce début du XXI° siècle, il convient de parler d’un phénomène Manga : en 2008, les trois-quarts des ventes de livres électroniques étaient des Mangas ; 3,2 milliards de publications sont vendues au Japon.

Le phénomène Manga, poursuit la Dre Sinziana Véronica Loiso, s’est installé en France. Avant 1978, les bandes dessinées japonaises sont très peu connues dans le monde francophone. Atoss Takemoto publie alors en France le premier numéro du « cri qui tue ». L’année 1990 est celle de la naissance du manga en France avec la publication d’Akira de Katsuhiro Otomo. En 1995, sont publiées deux bandes dessinées créées au Japon par des auteurs français : « Kiro » de l’auteur Alex Varenne et « au nom de la famille » des auteurs Jérôme Charyn et Joe Staton. Le premier festival de la bande dessinée et d’animation japonaise est créé en 1999 : « Japon expo ». Ce festival est devenu une expo traditionnelle se renouvelant chaque année et en 2012, plus de 200 000 personnes ont visité cette exposition.

La Dre Sinziana Véronica Loiso parle de « style de vie » à propos du phénomène Manga : se développent des magasins tenus par des professionnels, les « Mange zone ». Le phénomène Manga a pris de grandes proportions ; il y a des fans pour différents styles qui ont ouvert des blogs sur internet. Souvent, les héros de Manga, pour les fans, deviennent un alter-ego qui aide à surmonter les épreuves difficiles dans leur vie.

09-MangaC’est ainsi que la communicante en vient à la seconde partie de son exposé qui est un cas clinique. Il s’agit d’un jeune patient de 33 ans. Son enfance est marquée par une maltraitance psychologique, un isolement social et familial. Il commence à dessiner à l’âge de 10 ans afin de s’exprimer, tout en développant ses capacités dans l’écriture. Il est envoyé à l’hôpital à l’âge de 28 ans suite à une enquête de police après une plainte déposée pour harcèlement. Il présente à l’admission un délire interprétatif avec des fixations obsessionnelles érotomaniaques. Il est très déficitaire au niveau des taches de la vie quotidienne et a tendance à l’isolement. L’hospitalisation améliore son comportement après l’instauration et la prise correcte du traitement neuroleptique. Le diagnostic est : « schizo-affectivité ». Le projet médico-social mis en œuvre comporte une prise en charge en hôpital de jour avec un appartement thérapeutique et une mise sous tutelle. Le travail psychothérapique a consité a développer sa passion pour le dessin et l’écriture avec un atelier de création (BD et écriture). Un éditeur s’intéresse à un roman qu’il est en train d’écrire, et une exposition avec ses dessins et ses BD sera organisée pour le mois de novembre. La Dre Sinziana Véronica Loiso nous présente des dessins réalisés par ce jeune patient dans le cadre de l’atelier de création et qui s’intègrent dans des mangas réalisés par lui en présence de ses thérapeutes. Cette expérience thérapeutique a beaucoup intéressé les congressistes japonais et suscité de nombreux échanges.

La matinée s’achève sur cette application thérapeutique en France d’un phénomène culturel japonais. Le repas de midi est pris sur place sous la forme du traditionnel « Bento ».

Jean Paul Bossuat

 

国際PSYCAUSE学会(京都)開催報告(フランス側のWebページ)の紹介

2014/11/08

国際PSYCAUSE学会(京都)開催報告(フランス側Webページ)の紹介

 


 10月19日から数日間、京都で開催した国際PSYCAUSE学会についてのニュースが、

早くも先月末よりPSYCAUSEのホームページ上に、シリーズとして掲載されました。

詳細にわたる報告ですし、写真もふんだんに出ていますので、

そのままご一読、ご一覧いただきたく、案内いたします。

 下記のアドレスをクリックしますと、PSYCAUSEのホームページのトップページが出ます。

その左側に、Journal du Congès de Kyotoという見出しの下に、一連の記事(全8報)の目次が並んでいます。

これらのすべてが、フランス語圏の外国人たち、40数人が体験した学会旅行の報告です。

 私どもが用意してあげた狭義の学会については、

第3報(Carnet No.3)から第6報(Carnet No.6)までがその記事に当てられています。

写真も多く添えられていますので、ご覧ください。

 なお、このPSYCAUSEのホームページのアドレスは、

当研究所のリンク欄の最上位に掲げていますから、そちらからアクセスしてもらうこともできます。

 

http://www.psycause.info/