国際PSYCAUSE学会(京都)の開催報告―フランス語版の転載―(4)10月21日:三聖病院訪問―

2014/11/10

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Journal du congrès de Kyoto : carnet N°6. Hôpital Sansei et Zen, 21 octobre 2014

 

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Cette troisième journée de congrès comprend en journée deux parties : la visite de l’Hôpital Sansei, une séance de méditation dans un temple zen. Le groupe des congressistes s’est divisé en deux pour ces deux parties de la journée qui se sont donc déroulées en alternance. Le rédacteur de ce compte rendu est le matin à l’Hôpital Sansei et l’après midi en séance de méditation.

La visite de l’Hôpital Sansei

 

01-Hopital-Sansei-21.10.14Le Pr Shigeyoshi Okamoto nous attend devant le portail de l’enceinte de l’Hôpital Sansei. Nous nous rassemblons ensuite dans le jardin devant le monument du directeur fondateur de l’établissement, le Dr Genn-yu Usa (dont la photo a été publiée dans le carnet N°5). Cet hôpital a une histoire presque centenaire et nous savons que les congressistes de Psy Cause en seront très probablement les derniers visiteurs étrangers. Le Pr Shigeyoshi Okamoto nous convie dans un premier temps à effectuer un tour extérieur du bâtiment, à arpenter cet espace fortement investi par les patients puisqu’il correspond à la seconde étape de la Thérapie de Morita, celle de l’observation du monde extérieur après la première étape du coucher absolu. Lors de la projection du film Morita Therapy to live, nous avions vu le patient y observer longuement une fleur à l’aide d’une loupe.

 

Le jardin est comme le lieu d’une expérience de renaissance ou, plus exactement selon le Zen, d’un retour à l’union harmonique avec la nature qui avait été perturbée par la maladie psychique. Cet espace relativement exigu en plein cœur de la ville de Kyoto, est savamment aménagé selon le modèle des jardins japonais qui en font une miniature de l’univers, un lieu propice à la méditation au sens zen. Nous reviendrons tout à l’heure sur l’expérience de méditation. Nous rencontrons lors de notre parcours des morceaux de bois, des objets portant chacun une inscription en rapport avec des préceptes de la Thérapie de Morita.

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Le premier artéfact, montré du doigt par le Pr Shigeyoshi Okamoto, est un bâton gravé de la sentence : « garde à distance ton cœur ». C’est à dire « prend de la distance avec tes peurs, tes émotions, tes souffrances ».

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04-Formless-selfNous stationnons ensuite devant un étang miniature empli de poissons rouges qui, pour l’auteur de ce compte rendu, a une certaine familiarité. Je me souviens d’une visite de l’hôpital de jour psychiatrique « Modra Laguna » de notre rédacteur à Prague, le Dr Jan Cimicky. Dans un angle du petit jardin de cette structure de soins, je découvrais une lagune miniature d’un bleu polynésien qui donnait son nom au lieu. Derrière ce micro-étang, une planche est inscrite : « formless self. Avril 2000 ». C’est à dire que le soi n’a pas de forme fixée, il change sans cesse. La photographie ci-contre nous montre le Pr Shigeyoshi Okamoto au bord de l’étang.

05-Ne-parle-pas-si-tu-veux-guerirLa fin de notre déambulation autour du bâtiment d’hospitalisation, nous fait encore découvrir deux artéfacts sous la forme de bâtons blancs. Le premier commande : « ne parle pas si tu veux guérir ». Cette sentence sera explicitée par une autre inscription que nous trouverons à l’intérieur de l’hôpital qui déclare : « on n’utilise pas la parole pour parler du conscient, on utilise la parole pour parler à d’autres ». Autrement dit, pour guérir, il faut quitter les pièges de son ressenti personnel et ne se situer que dans la socialisation qui est l’étape N°4 de la Thérapie de Morita.

06-EspoirLa fin du parcours est balisée par un ultime artéfact, autre bâton blanc gravé qui nous apporte un dernier message : « espoir ». Sans doute une ponctuation marquant la fin de la deuxième étape de la Thérapie de Morita. Cependant, pour nous, congressistes étrangers présents en ce lieu juste avant le « baisser de rideau » évoqué la veille par le Pr Shigeyoshi Okamoto, germe aussi un espoir : que ce lieu historique de la Thérapie de Morita ne disparaisse pas sous la pelleteuse d’un démolisseur, mais devienne pour le moins un lieu de mémoire et d’étude. En 2011, nous étions en République Tchèque à Pribor à proximité de la maison natale de Sigmund Freud pour notre VII° congrès international et les congressistes ont ensuite effectué un pèlerinage dans l’appartement de travail de l’inventeur de la psychanalyse à Vienne. Nous émettons donc ce vœu et cet espoir que l’Hôpital Sansei survive comme référence historique.

Le temps est venu de pénétrer dans le bâtiment hospitalier. Le directeur, le Dr Shin-ichi Usa, nous attend debout sur le perron, appuyé sur une canne, du haut de ses 88 ans, le visage emprunt de gravité. Nous avons devant nous un homme qui, dans les dix premières années de son enfance, fut un contemporain du Dr Morita. Son père, fondateur de cet établissement conçu pour mettre en pratique les idées du Dr Morita, lui a passé le flambeau à sa mort en 1957. Cet homme en tant que second directeur, a maintenu l’œuvre de son père pendant 57 ans. Il nous invite à visiter l’œuvre de toute une vie et au delà. Une maxime est affichée dans le hall d’entrée : « Seule la réalité est la vérité ».

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08-PassageÉquipés de chaussons, nous pénétrons dans ce lieu de soins à l’architecture sobre et épurée typiquement japonaise mais illustrée d’écrits : « une vie menée régulièrement, c’est que l’on est presque guéri », « l’effort procure le bonheur », « Il convient de vivre en groupe avec la solitude de chacun », par exemple. Ces écrits sont disposés principalement au dessus de passages d’une pièce à une autre, d’une lecture incontournable au quotidien. Cette avancée dans la structure de soins nous permet de ressentir l’ambiance très particulière qui se dégage. Un peu comme la veille avec le maître zen.

 

09-Shin-ichi-Usa-2Notre visite s’achève dans la salle de cours où le Dr Shin-ichi Usa délivre son enseignement aux patients. Nous sommes invités à lui poser des questions. Nous apprenons ainsi que l’Hôpital Sansei traite actuellement 500 patients par an, à partir de l’âge de 13 ans et que l’indication de l’hospitalisation pour les 4 étapes de la Thérapie de Morita est la névrose. Dans le film que nous avions regardé le 19 octobre, le Dr Shin-ichi Usa avait fait observer à son patient qu’il était devenu un « Ninja ». Il nous explique que ce mot qu’il avait utilisé signifie selon lui « un patient patient ».

 

Au nom de Psy Cause, le directeur de la revue lui a remis un exemplaire du numéro 64 sur leCambodge, lequel contient l’article du Pr Shigeyoshi Okamoto qui correspond à une communication au congrès de Siem Reap en 2012. Après la séance, il regarde avec la plus grande attention le contenu de ce numéro qui traite du bouddhisme en psychiatrie et dans les psychothérapies. La visite terminée, le Dr Shin-ichi Usa s’installe de nouveau devant l’entrée pour un dernier salut solennel. Nous quittons l’Hôpital Sansei pleinement conscients de l’importance de ce que nous venons de vivre.

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Méditation dans le temple Shunko-in

 

11-Shunko-inEn complément de cette visite de l’Hôpital Sansei, nous sommes conviés l’après midi à vivre une séance de méditation dans le temple Shunko-in. Ce temple bouddhiste Zen, fondé en 1590, de Kyoto appartient à l’école Myoshin-ji (« temple de l’esprit excellent »), qui est la plus importante des 14 écoles japonaises Rinzai du bouddhisme Zen. Autrement dit un bon endroit pour nous initier à la méditation zen, qui intègre les mêmes références que celles du maître Eshin Nishimura que nous avons regardé et écouté la veille. Un bonze spécialisé dans l’accueil des étrangers nous installe dans un décors traditionnel épuré avec cloche et claquettes pour rythmer la séance.

 

Il nous demande de tenir notre colonne vertébrale bien droite, de respirer en expirant lentement et soit de fermer les yeux, soit de regarder un point fixe du jardin, l’objectif étant de faire le vide intérieur. Les jardins de ce temple sont très étudiés et sont la seule décoration sur laquelle la salle de méditation est largement ouverte. L’expérience est spectaculaire en ce sens que l’absence de parasitage de l’esprit permet d’entendre toutes sortes de sons de la nature. Pas de doute, nous entrons en communion avec la portion d’univers que nous percevons.

 

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La séance terminée, le bonze nous explique la séance de méditation. On pouvait s’attendre a des remarques issues du fonds culturel bouddhiste des plus intéressantes. Et là, surprise ! Il nous raconte qu’il est allé étudier la neurologie aux États Unis et nous commente la séance par l’augmentation du CO2 dans le cerveau induite par la technique de respiration, par les connexions qui s’établissent entre le cortex et l’amygdale en passant par le circuit limbique. En concluant qu’un travail de prévention contre l’agressivité pourrait être mis en place par l’usage en santé publique, de cette technique. Là, on peut se dire que l’on est loin de l’Hôpital Sansei. Mais après quelques instants de consternation qu’une telle argumentation soit possible dans un temple, il est possible de percevoir l’essence même du Zen. Rappelons-nous les sentences lues le matin : « garde la distance avec ton cœur », « seule la réalité est la vérité ». Qu’est ce que la réalité ? Ce ne sont pas les pensées mais la chair, les neurones. La sérénité, c’est l’acceptation de l’existence de la réalité. C’est du moins une leçon perçue par le rédacteur de ce compte rendu.

 

Jean Paul Bossuat