国際PSYCAUSE学会(京都)の開催報告―フランス語版の転載―(3)10月20日―
2014/11/10
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Journal du congrès de Kyoto : carnet N°5. Matinée de congrès du 20 octobre 2014
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Cette seconde matinée est intégralement managée par le Pr Shigeyoshi Okamoto. Elle se déroule à l’Hôtel Ana Crowne Plaza de Kyoto. Elle est entièrement consacrée à la philosophie Zen inspiratrice de la Thérapie de Morita à l’Hôpital Sansei. Le Pr Shigeyoshi Okamoto ouvre les travaux avec une communication intitulée : « La Thérapie de Morita et le Zen, communication pour la visite de l’Hôpital Sansei » :
« À propos du Zen, après ma communication, Maître Nishimura fera une conférence spéciale. Comme j’ai du m’occuper de ce congrès, je n’ai pas pu consacrer suffisamment de temps à la préparation de ma communication. En outre, la fermeture en décembre de cette année de l’Hôpital Sansei a été décidée comme un baisser de rideau sur une longue histoire de 92 ans. Cela étant, dans la première partie de ma communication, je vais exposer sommairement les relations entre le Zen et la thérapie de Morita. Et dans la seconde partie, je parlerai de l’histoire de l’Hôpital Sansei. Cette communication reprenant pour partie le contenu de l’article que j’ai publié l’année dernière dans Psy Cause, je vous invite donc à le relire.
Le mot « Zen » a pour origine le sanscrit « dhyâna » qui a été reproduit oralement en chinois et s’est déformé en « zen’na ». Ensuite, on a supprimé le « na » et c’est devenu « zen ». La signification originelle de « dhyâna » était « pensée profonde ». Mais à quoi pensait-on profondément ? Il s’agissait de s’examiner par introspection. La tâche principale du bouddhisme est de vivre les douleurs. Tous les individus, Orientaux comme Occidentaux, sont seuls et ne peuvent vivre en évitant les douleurs. Par ailleurs, en poursuivant son soi, on aperçoit qu’on ne pourra pas séparer son soi du soi d’autrui : on voit donc l’importance de la coexistence en société.
Les névrosés ne sont pas les seuls à avoir tendance à oublier d’accepter les douleurs ou de vivre avec les autres, c’est notre cas à nous aussi. C’est ce que dit le bouddhisme et on peut dire que le Zen est la quintessence du bouddhisme. Morita a dit que sa thérapie était quelque chose qui se situait à l’intersection de la science, du bouddhisme et de la philosophie.
La Thérapie de Morita a pour point de départ une forme d’hospitalisation caractéristique. Morita a accueilli des patients dans sa maison comme des membres de sa famille, et a mené la vie commune avec eux. Dans cette thérapie, le rôle paternel de Morita, thérapeute, a été très important. Mais le rôle maternel tenu par sa femme a également été indispensable. De même, la fraternité entre patients dans la vie en groupe, leur a permis de développer leur sociabilité.
L’hospitalisation consiste en quatre étapes :
– la première étape est celle du coucher absolu,
– la deuxième étape est celle de l’observation du monde extérieur,
– la troisième étape est celle du travail,
– la quatrième étape est celle de la vie sociale compliquée.
Les patients suivent chaque étape dans l’ordre. Ils gardent d’abord le lit sans rien faire au cours de la première étape. Ce faisant, ils font exclusivement face à leur moi et par cette expérience, ils se libèrent de l’esclavage de l’ego et restaurent le soi pur. Prenant un nouveau départ avec cette expérience de renaissance de soi, et passant par les différentes étapes, ils accroissent leur humanité.
Comme Morita était médecin, il lui incombait dans l’immédiat de guérir les symptômes de ses patients névrosés. Mais chez l’homme, l’inquiétude et le sentiment de sérénité étant comme les deux faces d’une même médaille, le désir d’éliminer la seule inquiétude d’un névrosé est impossible à réaliser et on reste dans un palais des illusions. Un traitement véritable doit extirper ce genre d’illusions. Morita a enseigné que la guérison n’était rien d’autre que de vivre jusqu’au bout avec les douleurs. Dans ce sens, il a assimilé la guérison à l’éveil.
Avec ce que j’ai dit jusqu’ici, il me semble qu’il est facile de comprendre que la Thérapie de Morita elle-même est quelque chose qui correspond bien au Zen. Et à ce propos, il y a un hôpital qui a une inspiration zen plus poussée que la thérapie effectuée par Morita. C’est l’Hôpital Sansei qui se situe à Kyoto. Le Dr Genn-yu Usa, bonze et psychiatre, était un disciple direct de Morita. En 1922, il a fondé la clinique Sansei qui est à l’origine de l’hôpital, dans l’enceinte même du temple de Tôfukuji et il y a commencé le traitement par hospitalisation de la Thérapie de Morita. Cinq ans plus tard, en 1927, cette clinique est devenue officiellement un hôpital. Ainsi, le Dr Genn-yu Usa qui en a été le premier directeur, a traité les névrosés par l’hospitalisation dans cet établissement et y a fidèlement appliqué la thérapie de Morita, son maître. Morita est mort en 1938 mais l’Hôpital Sansei qui a hérité de la Thérapie de Morita, a continué à jouer un rôle historique important en tant qu’établissement représentatif de cette thérapie, dans notre pays. Quand, en 1957, le premier directeur, Genn-yu Usa, est décédé, c’est son fils, le Dr Shin-ichi Usa qui est devenu le deuxième directeur. Et jusqu’à aujourd’hui, il a conservé la thérapie qui garde la pensée et la méthode zen mise au point par son père qui était tout à la fois bonze zen et fidèle partisan de la Thérapie de Morita.
Le deuxième directeur aura bientôt 88 ans et il a décidé tout dernièrement de cesser les consultations à la fin de décembre. Comme il fallait annoncer la fermeture aux patients, un avis a été affiché à la porte de l’hôpital mais elle n’a pas encore été annoncée officiellement à l’extérieur. Mais cette fois, vous qui assistez au Congrès de Psy Cause, vous aurez pu prendre part au mouvement de l’histoire en venant à Kyoto au moment important où le flambeau de la Thérapie de Morita traditionnelle est sur le point de s’éteindre. Ce n’est pas à moi d’annoncer officiellement la fermeture de l’hôpital mais comme le hasard a voulu que ce congrès se tienne juste avant la fermeture de l’hôpital, vous en serez peut-être les derniers visiteurs étrangers. C’est en pensant à cela que je vous ai révélé à dessein la fermeture de l’hôpital. Les Japonais ici présents comprendront que je leur donne les dernières nouvelles de l’Hôpital Sansei dans le cadre de ce Congrès de Psy Cause.
Il va de soi que la thérapie utilisée à l’Hôpital Sansei conserve la thérapie mise au point par Shoma Morita. Mais la personnalité des deux thérapeutes qui ont dirigé l’hôpital, celle du premier directeur qui était bonze et celle de l’actuel directeur, se reflète dans la Thérapie de Morita. Il faut d’ailleurs mentionner que la thérapie de Morita telle qu’elle est utilisée à l’Hôpital Sansei, porte le nom de « thérapie d’Usa ». »
Le Pr Shigeyoshi Okamoto aborde alors sa seconde communication, à savoir la présentation du maître Zen Eshin Nishimura :
« J’aimerais maintenant vous présenter Maître Eshin Nishimura qui va faire une conférence spéciale sur le Zen. Ce que je voudrais dire pour commencer, c’est « Ecce Homo ! » Il s’agit du titre de l’autobiographie de Nietzsche et ça signifie « Regardez cet homme ». L’origine de cette expression latine dont le sens semble complexe, se trouve dans le Nouveau Testament. Mais sans trop me soucier de son origine, c’est tout simplement dans le sens de « Regardez cet homme », que je voudrais citer cette expression. Regardez cet homme en chair et en os, regardez son visage, écoutez directement sa voix. Cette présentation maladroite est peut-être inutile mais je la fais quand même pour vous présenter le parcours de Maître Nishimura.
Maître Nishimura est né en 1933. Il a donc 81 ans. Depuis son jeune âge, il a été élevé comme petit bonze dans le temple d’une école bouddhique zen avant de faire, dans son adolescence, son entrainement au temple de Nanzen à Kyoto. Ensuite, il est allé aux États Unis pour étudier dans un institut de sciences religieuses où il a fait aussi des recherches sur le christianisme. De retour au Japon, après des études à l’Université de Kyoto, il est devenu professeur à l’Université d’Hanazono qui est une université de l’école zen de Rinzai située à Kyoto. Il a également été président de cette université. Actuellement, il est professeur honoraire et il dirige aussi l’Institut de la Culture zen qui dépend de cette université.
Il est l’auteur de plusieurs ouvrages et le plus grand spécialiste du Zen de l’école Rinzai. Il existe un nombre important de spécialistes du Zen qui enseignent le Zen comme science, aux étrangers. Si j’ai demandé cette fois-ci à Maître Nishimura de nous donner une conférence, ce n’est pas parce qu’il est le plus grand spécialiste japonais du Zen mais parce que je voudrais qu’en le voyant en chair et en os, vous ressentiez par vos cinq sens le Zen vivant qui émane de sa personne.
C’est moi qui ai choisi le titre de la conférence : « Qu’est-ce le Zen et pourquoi le Zen ? ». Maître Nishimura, dont la vie est celle d’un homme de zen, va parler en anglais. Essayez de recevoir les paroles de Maître Nishimura telles qu’elles sont, car que ce soit en anglais ou en japonais, il ne faudrait pas traduire ces paroles. Car il parle dans la « langue Nishimura » qui surgit de l’homme, et dès qu’on traduit, l’essence de cette « langue Nishimura » disparaît. Par conséquent vous devez ressentir avec vos cinq sens la totalité de l’être du maître, en écoutant avec vos oreilles, en regardant avec vos yeux : « la langue de Nishimura ».
Maintenant, je vais vous parler un peu de ma propre rencontre avec Maître Nishimura. C’était il y a une quinzaine d’années. Je me tourmentais car je ne parvenais pas à comprendre tout à fait une partie de la doctrine zen de la Thérapie de Morita de l’Hôpital Sansei. Mes interrogations portaient surtout sur l’enseignement : « Ne pas posséder la conscience de soi mais posséder la conscience d’autrui. » Mettre l’accent sur le salut d’autrui plutôt que sur son propre salut, cela correspond certes à l’enseignement du bouddhisme du Grand Véhicule, mais il y a là une division entre soi et autrui qui est contraire à la pensée du Zen qui considère que soi et autrui sont indivisibles. Alors que je me débattais dans cette difficulté, je me suis décidé à demander à Maître Nishimura, avec qui je n’avais jamais eu de relations jusqu’alors, de me guider. Il a répondu gentiment à mes questions. La tâche essentielle du Zen consiste dans « la recherche de soi » et par cette recherche, Maître Nishimura m’a enseigné le surgissement de l’expérience de fusion entre soi et autrui. Ainsi, non seulement mes questions ont disparu grâce à la pensée du Zen véritable, mais également, à travers la personne du Maître lui-même, j’ai eu l’impression de toucher le Zen vivant. J’ai donc fait l’expérience d’une émotion pleine de fraicheur : « Ah ! C’est donc ça le Zen ! ».
Depuis lors, je respecte Maître Nishimura. Il a beaucoup de disciples éminents et même si je ne peux sans doute pas avoir le titre de disciple, il est pour moi un maître très précieux. C’est en me disant que ce serait bien si vous sentiez directement le Zen à travers Maître Nishimura, que je lui ai demandé cette conférence. Je voudrais donc vous dire encore une fois : « Ecce Homo ». »
Après une courte pause, arrive le maître pour une conférence de 90 minutes suivie de 30 minutes pour les questions. Question : quelle restitution faire dans ce compte rendu ? Nous avons un enregistrement réalisé par la Dr Patricia Princet mais nous allons prendre
le temps nécessaire de la réflexion sur ce qu’il y a lieu de faire. Dans l’immédiat de ce carnet, contentons nous de dire que le Maître Nishimura a communiqué sur le thème : « Qu’est-ce le Zen et pourquoi le Zen ? ». Nous avons regardé sa présence, sa gestuelle, entendu ses paroles en anglais, les comprenant parfois, avec le sentiment d’une rencontre d’exception. La langue anglaise étant la langue de référence du maître, le Dr André Gagnon qui est parfaitement bilingue a accepté le rôle d’interprète dans l’échange des questions/réponses entre les congressistes et le maître, ce qui a permis a posteriori pour celles et ceux qui maitrisent mal l’anglais, d’accéder à la pensée Zen du maître.
Cette seconde matinée de congrès est suivie d’une après midi de pause avant la visite de l’Hôpital Sansei et une séance de méditation dans un temple Zen le lendemain, qui feront l’objet du prochain carnet.
Jean Paul Bossuat